Aucune femme dans le top 100 des athlètes les mieux payés : pourquoi le sport est champion des inégalités salariales
C’est un classement qui dit beaucoup de l’écart de traitement entre le sport féminin et son pendant masculin. Comme chaque année, le média en ligne Sportico a publié fin février son classement annuel des 100 athlètes internationaux les mieux payés au cours de l’année écoulée. Alors que 2024 a été marquée par les premiers jeux Olympiques paritaires de l’histoire, organisés à Paris, aucune femme ne figure dans ce top 100, comme en 2023.
La première sportive en termes de revenus est la joueuse américaine de tennis Coco Gauff, avec 30,4 millions de dollars (9,4 millions de salaire et primes et 21 millions de partenariats) perçus l’an passé, soit environ 29 millions d’euros. Une somme rondelette, mais pourtant en dessous de la lanterne rouge du top 100, Daniel Jones, joueur de football américain (Minnesota Vikings), qui émarge à 37,5 millions de dollars (36 millions d’euros). En comparaison, le sportif le mieux payé, le footballeur Cristiano Ronaldo, en préretraite dorée dans le club Al-Nassr du championnat saoudien, a touché 260 millions de dollars (215 millions de salaire et primes, 45 millions de partenariats), soit 250 millions d’euros…
Première femme à la 125e place
Actuellement 3e mondiale, Coco Gauff ne pourrait prétendre qu’à la 125e place si le classement était élargi… Vainqueure de l’US Open 2023 et du Masters 2024, la native d’Atlanta est seulement la 3e femme à dépasser la barre des 30 millions de dollars, après Naomi Osaka et Serena Williams présentes pour la dernière fois dans le top 100 en 2022. Avant Coco Gauff, seules quatre femmes, toutes joueuses de tennis (Serena Williams, Naomi Osaka, Maria Sharapova et Li Na) étaient entrées dans ce classement.
Une rareté qui s’explique par le poids de l’histoire. « De nombreux travaux d’historiens en attestent, le sport féminin a été moins médiatisé, ralenti dans son développement de manière volontaire, ce qui, au fil du temps, a créé des inégalités structurelles », explique Antoine Feuillet, maître de conférences en sciences et techniques des activités physiques et sportives, auteur d’un article intitulé « De l’inégalité des revenus dans le sport professionnel » paru en décembre dans la revue Regards croisés sur l’économie.
Si on compare les 10 premières places du top 100 et du classement féminin, également réalisé par Sportico, les salaires et primes des 10 premières sportives culminent à 39,94 millions de dollars, contre 1,024 milliard pour leurs homologues, soit 26 fois moins. L’exemple le plus frappant est celui de la surdouée américaine Caitlin Clark (23 ans), 10e sportive et 1re basketteuse.
Meilleure jeune joueuse de WNBA, la meneuse de jeu d’Indiana Fever a perçu seulement 100 000 euros de rémunération en 2024, contre 53,8 millions de salaire pour Stephen Curry, la star NBA des Golden State Warriors, 2e du Top 100. « Avant son départ en retraite, Serena Williams était la seule superstar féminine à avoir des salaires comparables à certains hommes, précise le chercheur. Le sport féminin manque de superstars en raison d’une faible exposition. »
L’exemple de la Women’s Super League
Une médiatisation moindre qui s’explique par l’idée bien ancrée que le sport féminin ferait moins d’audience et aurait donc une valeur économique moins importante, ce qui a pour conséquence, concrètement, d’attirer moins de diffuseurs et de médias, donc moins de public, moins de sponsors, etc. « C’est un cercle vicieux, analyse Antoine Feuillet. La croissance des revenus sportifs passe par une exposition médiatique. La mise en avant du produit au départ, c’est ce qui va créer l’intérêt. Plus le produit est exposé, plus il va prendre potentiellement de la valeur… Sans médiatisation, les sponsors ne vont pas s’y intéresser. »
La structuration des Ligues féminines, qui ont moins de moyens pour payer, explique en partie cet écart, mais il y a aussi l’absence de volonté politique. « En Angleterre, la récente Women’s Super League de football est un modèle à suivre. Alors que le championnat français de première division est diffusé par Canal Plus pour moins de 2 millions d’euros par saison, la BBC, chaîne publique, vient d’acheter les droits de la compétition féminine avec Sky Sports », souligne l’universitaire. Les deux chaînes, qui diffuseront ensemble 118 matchs par saison pour 65 millions de livres par an (77 millions d’euros) sur cinq ans, ont dépensé près de 10 fois le montant des anciens droits.
Dans d’autres sports, les lignes commencent aussi à bouger. En basket, la WNBA va recevoir 200 millions de dollars par an en droits télé pour les dix prochaines années, mais reste à des années-lumière des 76 milliards que touchera la NBA sur onze ans.
En golf, le circuit féminin LPGA Tour offre cette année une dotation de 131 millions de dollars pour ses 33 tournois, soit 90 % d’augmentation par rapport à 2021. Enfin, en tennis, ou seuls les quatre tournois du Grand Chelem assurent des gains identiques entre hommes et femmes, l’égalité salariale dans les tournois de catégorie Masters 500 et 1000 sera atteinte en 2027.
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