Une baguette à 29 centimes, comment est-ce possible ?

Une baguette à 29 centimes, comment est-ce possible ?

En boulangerie, la main d’oeuvre représente plus de 40% des coûts de production selon le président de la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie française Dominique Anract. Philippe Ramakers / stock.adobe.com

En cette rentrée 2025, la baguette à 29 centimes fait son retour en grande surface et provoque la polémique. Main-d’œuvre, charges, matières premières, comment la grande distribution parvient-elle à proposer des prix aussi bas ?

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Elle fait son retour, chez Lidl, puis chez Aldi, et provoque l’ire des boulangers traditionnels. Le président de la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie française Dominique Anract s’est insurgé vendredi matin de cette pratique qui n’est d’ailleurs pas nouvelle. Elle avait déjà fait polémique en 2022 avec Leclerc. C’est du «nivellement par le bas», a-t-il lancé sur RMC le 29 août. Un prix imbattable, 80 centimes d’euros moins cher que la moyenne en boulangerie, qui est de 1,09 euro selon l’UFC Que Choisir, 1,20 en moyenne pour la tradition selon le président de la confédération nationale. Une réelle opération de communication pour les supermarchés, Dominique Anract dénonçant un «appât pour le client».

C’est surtout la main-d’œuvre qui fait la différence. En boulangerie elle représente «plus de 40% de nos coûts de production», selon Dominique Anract. «Les artisans boulangers pétrissent plus longtemps, façonnent eux-mêmes, cuisent leur pain sur place, parfois il y a un processus de fermentation qui prend plusieurs heures», détaille le président de la Confédération nationale sur RMC.

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10.000 baguettes par heure

À l’inverse, en grande distribution, le processus est industrialisé. «Ils peuvent sortir 10.000 baguettes par heure tandis qu’un boulanger c’est 400 à 600 par jour», martèle Dominique Anract sur RMC. «Il n’y a pas d’homme derrière [ces pains], ce sont des machines», continue-t-il. Car le processus est automatisé: «Chez nous, la baguette c’est une production à forte volumétrie, un modèle opérationnel très efficace qui permet d’importantes économies d’échelle», confirme Thomas Braun, directeur des achats chez Lidl à RMC. Concrètement, les pains, dits pâtons, sont surgelés pour pouvoir être transporté et conservés, et sont décongelés une fois en magasin. «On a 2000 boulangers dans les centres Leclerc», expliquait Michel-Édouard Leclerc sur le plateau de C à Vous en 2022. «Dans les centres Leclerc, dans les grands hyper on fabrique complètement le pain. Dans les plus petits hyper et les super, on reçoit les pâtons. Il y a une chambre de pousse et la cuisson.»

Les frais fixes (loyers, énergie, eau…) pèsent également dans la balance. Ils représentent 20% du prix selon Dominique Anract. Quant aux produits composant la baguette, ce sont 15 à 20% des coûts de production, précise-t-il. Le cours du blé a d’ailleurs baissé depuis 2022. Là encore, en grande surface, la part semble à peu près similaire. Michel-Édouard Leclerc affirmait en 2022 sur C à Vous que le coût matière première représente environ 14% du prix de vente. L’achat de gros volume permet aussi de tirer les prix vers les bas. Et les marges? En enlevant la TVA, la marge des boulangers se situe «entre 10 et 20%» estime Dominique Anract. Un chiffre qui se rapproche de celui de la grande distribution. En 2022, Michel-Édouard Leclerc affirmait dégager 4 à 5 centimes sur une baguette à 29 centimes, soit environ 15%.

Si pour Dominique Anract, ces baguettes «détruisent toute la chaîne de valeur», les boulangeries traditionnelles dominent toujours très largement le marché. «La grande distribution, ce n’est que 9% du marché de la baguette», rappelle-t-il sur RMC.