En Allemagne, les partis se préparent à des législatives hautes en couleur

Les élections allemandes pourraient déboucher sur un gouvernement "noir-rouge", ou bien une alliance "Afghanistan", voire "Jamaïque". À moins que ce soit l'option "Mûre" qui ne crée la surprise.

Pour s'y retrouver dans ce kaléidoscope, voici un mode d'emploi des partis politiques allemands, traditionnellement associés à une couleur, qui vont s'affronter aux élections législatives prévues le 23 février. Avec un point d'ores et déjà acquis : la formation du prochain gouvernement s'annonce très compliquée.

  •    Rouge : Parti social-démocrate (SPD)

Le chancelier allemand Olaf Scholz se tient lors d'un congrès du parti social-démocrate allemand (SPD) à Berlin, le 11 janvier 2025.
Le chancelier allemand Olaf Scholz se tient lors d'un congrès du parti social-démocrate allemand (SPD) à Berlin, le 11 janvier 2025. © AFP

Le parti de centre-gauche du chancelier Olaf Scholz, 66 ans, est le plus ancien d'Allemagne. Ses origines remontent au mouvement socialiste et ouvrier qui s'est structuré dans les années 1860.

Avec la rose rouge comme symbole, il reste proche des syndicats, attaché à un État social fort et à un objectif de justice sociale.

Le SPD s'est longtemps enorgueilli que sa politique de dialogue avec Moscou ait contribué à mettre fin à la guerre froide. Parmi les anciens chanceliers du SPD figurent notamment Willy Brandt et Helmut Schmidt.

  • Noir : Union chrétienne-démocrate (CDU)

Friedrich Merz, leader et candidat principal au poste de chancelier de l'Union chrétienne-démocrate (CDU), lors du congrès du parti CDU à Berlin, le 3 février 2025.
Friedrich Merz, leader et candidat principal au poste de chancelier de l'Union chrétienne-démocrate (CDU), lors du congrès du parti CDU à Berlin, le 3 février 2025. © AFP

Le parti conservateur allemand, dirigé par l'ancien avocat d'affaires Friedrich Merz, 69 ans, est attaché à la discipline budgétaire et à l'économie de marché, à l'ordre public et aux "valeurs familiales" traditionnelles.

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Friedrich Merz a ramené le parti plus à droite que la voie centriste tracée par Angela Merkel, durcissant notamment le discours contre l'immigration irrégulière.

La CDU a conclu une alliance permanente avec l'Union chrétienne-sociale (CSU), parti conservateur de Bavière (sud) dirigé par l'ambitieux Markus Söder.

Parmi les anciens chanceliers de la CDU, citons Konrad Adenauer, premier dirigeant de la RFA après la Seconde Guerre mondiale, et Helmut Kohl, "le père" de la réunification de l'Allemagne en 1990.

  • Jaune : Parti démocrate libre (FDP)

Une affiche électorale représentant le leader du parti libéral allemand FDP, Christian Lindner, à Haltern am See en Allemagne, le 7 février 2025.
Une affiche électorale représentant le leader du parti libéral allemand FDP, Christian Lindner, à Haltern am See en Allemagne, le 7 février 2025. © AFP

Le FDP, qui prône libéralisme économique et sociétal, a longtemps été le principal "troisième parti" d'Allemagne, jouant un rôle pivot dans la formation et la chute de plusieurs coalitions depuis les années 1980. Mais au vu des derniers sondages, il pourrait échouer de peu à atteindre le seuil de 5 % pour entrer à la chambre des députés.

Son chef, l'ancien ministre des Finances Christian Lindner, 45 ans, a provoqué la crise gouvernementale qui a atteint son paroxysme lorsque Olaf Scholz l'a limogé au début du mois de novembre.

Habitué des provocations, cet amateur de Porsche a récemment choqué en déclarant qu'"une pincée de Milei et de Musk ferait du bien à l'Allemagne", faisant référence au président argentin ultralibéral Javier Milei et au milliardaire de la tech, Elon Musk, proche de Donald Trump.

  •   Les Verts 

Le ministre allemand de l'économie et de la protection du climat et principal candidat des Verts, Robert Habeck lors d'une réunion de campagne du parti Alliance 90 / Les Verts, le 10 février.
Le ministre allemand de l'économie et de la protection du climat et principal candidat des Verts, Robert Habeck lors d'une réunion de campagne du parti Alliance 90 / Les Verts, le 10 février. © AFP

Les Verts sont issus du mouvement de protestation écologiste et antinucléaire des années 1970 et 1980. Ils ont depuis longtemps remisé les pulls en laine et les slogans pacifistes de l'époque pour entrer dans plusieurs coalitions régionales et nationales au sein desquelles ils défendent ardemment l'idéal européen.

Après la réunification, ils ont intégré des groupes d'activistes issus de l'ancienne Allemagne de l'Est communiste.

Le vice-chancelier et ministre de l'Économie, Robert Habeck, 55 ans, est le principal candidat des Verts aux élections, aux côtés de la ministre des Affaires étrangères, Annalena Baerbock.

  • Bleu : Alternative pour l'Allemagne (AfD)

Une affiche de campagne électorale présente le parti d'extrême droite allemand Alternative pour l'Allemagne (AfD) à Wulfen, en Allemagne, le 7 février 2025.
Une affiche de campagne électorale présente le parti d'extrême droite allemand Alternative pour l'Allemagne (AfD) à Wulfen, en Allemagne, le 7 février 2025. © AFP

Le parti d'extrême droite, créé il y a dix ans sur une ligne eurosceptique, a depuis adopté un programme anti-immigrés et anti-islam virulent, associé à des positions pro-russes et climato-sceptiques.

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Il s'est insurgé contre la politique d'accueil des réfugiés, défendue en 2015 par Angela Merkel lors de l'afflux de migrants de Syrie et d'Afghanistan fuyant la guerre.

Certains responsables de l'AfD utilisent parfois des expressions renvoyant à l'époque nazie et le renseignement intérieur a placé sous surveillance les composantes les plus radicales du parti.

Menée par Alice Weidel, 45 ans, l'AfD est créditée de près de 20 % des voix, ce qui en ferait le deuxième parti du pays. Il est particulièrement implanté dans l'ex-Allemagne de l'Est.

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Jusqu'à présent, les autres partis maintiennent un "cordon sanitaire" autour de l'AfD, refusant toute alliance avec cette formation. Mais cette position pourrait évoluer puisque Friedrich Merz, le candidat de la CDU, a récemment provoqué un tollé en Allemagne en acceptant le soutien de l’extrême-droite pour sa proposition de durcissement de la politique migratoire.

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  • Violet : Alliance Sahra Wagenknecht (BSW)

Sahra Wagenknecht, leader de l'Alliance populiste de gauche (BSW), s'adresse à ses partisans lors d'une réunion de campagne à Erfurt le 11 février 2025.
Sahra Wagenknecht, leader de l'Alliance populiste de gauche (BSW), s'adresse à ses partisans lors d'une réunion de campagne à Erfurt le 11 février 2025. © AFP

Formé il y a moins d'un an, le parti BSW a d'abord gagné en popularité sous l'impulsion de sa dirigeante Sahra Wagenknecht, 55 ans, ancienne égérie du parti d'extrême gauche Die Linke. Mais il s'est essoufflé ensuite et pourrait échouer de justesse, selon les derniers sondages, devant le "mur" des 5 %.

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Sarah Wagenknecht est une habituée des talk-shows télévisés, sans expérience gouvernementale. Elle a grandi dans l'ancienne RDA communiste et défend des positions anticapitalistes. Elle s'oppose également à l'Otan, aux bases américaines en Allemagne et souhaite un arrêt des livraisons d'armes à l'Ukraine.

Elle prône une ligne dure contre l'immigration, ce qui lui vaut le qualificatif de "conservatrice de gauche". Forte de ses premiers succès électoraux, elle a rejoint les coalitions au pouvoir dans deux États régionaux de l'Est du pays.

  • Des coalitions Tutti Frutti

Après la coalition rouge-jaune-vert d'Olaf Scholz, surnommée "feu tricolore", les sondages suggèrent que l'Allemagne pourrait se diriger vers une grande coalition "noire-rouge", dirigée par la CDU avec le SPD, un modèle largement éprouvé dans le passé.

Mais l'attelage ne pourrait pas suffire pour une majorité. Si les Verts s'y associent, ce serait la naissance d'une coalition "Kenya" ou "Afghanistan", aux couleurs noire-rouge-vert, comme les drapeaux de ces pays.

Si c'est le FDP qui se joint aux conservateurs et aux sociaux-démocrates, les couleurs correspondraient au noir-jaune-rouge du drapeau national allemand.

L'Allemagne a été privée d'une coalition nationale noire-jaune-verte "Jamaïque" en 2017, lorsque le FDP s'est retiré des pourparlers en vue de former un gouvernement.

Enfin, une hypothétique alliance noir-rouge-violet de la CDU, du SPD et de la BSW, surnommée coalition "mûre", comme le fruit, est envisagée au niveau des Länder mais considérée comme très improbable au niveau national.

Avec AFP