OM : bagarre dans le vestiaire, de l’histoire d’amour au divorce... Tout comprendre sur l’affaire Adrien Rabiot qui secoue l’été marseillais

Cherchez dans le dictionnaire Larousse les définitions des mots «instabilité», «autosabotage», «schizophrénie» ou «ascenseur émotionnel», vous devriez trouver «Olympique de Marseille» au rang des synonymes. Il y a une semaine, tout allait bien dans le meilleur des mondes sur la Canebière. L’équipe entraînée par Roberto De Zerbi, 2e de Ligue 1 la saison passée, bouclait une préparation estivale sans accroc.

Des recrues prometteuses (Gomes, Medina, Egan-Riley…), une alchimie entre dirigeants et staff technique, une invincibilité lors des matchs amicaux (trois nuls, trois victoires)... Tout était beau, tout était rose au moment d’ouvrir la nouvelle saison de championnat, vendredi dernier, sur la pelouse de Rennes. Contexte trop idéal, trop sain peut-être pour un club construit sur un volcan qui ne dort jamais. Une seule soirée en terre bretonne - animée par un carton rouge rennais, deux poteaux touchés par les Marseillais et un but sur le gong de Ludovic Blas - a suffi pour ébranler l’édifice olympien, battu d’entrée.

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Une défaite certes dérangeante lors de la première journée mais il n’y avait pas péril en la demeure pensait-on… Sauf que l’OM adore se mettre des bâtons dans les roues avant même que l’automne ne pointe le bout de son nez. Souffler sur des braises qui existent à peine. Dans le vestiaire marseillais, Adrien Rabiot - meilleur joueur de la saison passée (9 buts, 4 passes décisives en 29 matches de championnat) et Jonathan Rowe - attaquant le plus de vue de la préparation - se sont défoulés, à l’issue de leur match raté, avec une bagarre aussi surprenante que virulente selon plusieurs sources. Des coups auraient été échangés entre les deux hommes. L’international espoir anglais, frustré d’être pointé du doigt pour un supposé manque d’implication, assénant même une gifle au vice-champion du monde 2022 selon La Provence. Et ce, alors qu’une simple explication musclée front contre front avait initialement été rapportée au lendemain des faits à Rennes. 

Le choix fort de l’OM

Durant l’altercation, y a-t-il eu en plus des mots, des insultes intolérables prononcées par l’un ou l’autre ? C’est la version soutenue par RMC Sport qui écrit que Rabiot aurait été le plus agressif au cœur de la dispute. Quelques zones d’ombre persistent tout de même. Une chose est certaine, les murs du vestiaire marseillais ont tremblé selon des journalistes sur place. L’entraîneur italien Roberto De Zerbi, auteur lui aussi d’un coup de gueule face à ses joueurs, aurait été choqué par la violence observée dans son vestiaire, indique L’Équipe. D’où sa décision de pousser - à la surprise générale - Rabiot et Rowe vers la sortie, en concertation avec ses dirigeants Pablo Longoria (président de l’OM) et Medhi Benatia (directeur du football).

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Un choix fort qui a eu l’effet d’une bombe ce mardi. «L’Olympique de Marseille informe qu’Adrien Rabiot et Jonathan Rowe ont été placés sur la liste des transferts par le club. Cette décision a été prise en raison d’un comportement inadmissible dans le vestiaire après le match contre le Stade Rennais, en accord avec le staff technique et en application du code de conduite interne du club», a annoncé le club phocéen dans un communiqué. Ajoutant que les deux joueurs, d’abord écartés temporairement de l’équipe première, et pour une courte durée croyait-on, avaient été prévenus dès lundi de leur futur départ.

Véronique Rabiot vend la mèche

Sur la place publique, c’est Véronique Rabiot, mère et représentante comme agent d’Adrien, qui a informé plusieurs médias (RTL, L’Équipe), devançant la communication officielle de l’OM, pour faire part de l’incompréhension de tout l’entourage de l’international français. «C’est l’incompréhension la plus totale» a appuyé dans la soirée Romuald Palao, l’avocat du milieu de terrain interrogé dans la soirée par RMC. «Ce qu’a communiqué le club, on a des doutes. Forcément qu’on a des doutes. Quand le club indique que le joueur a eu un comportement qui a changé, c’est faux. C’est complètement faux. On a l’impression effectivement qu’il y a une histoire qui est un peu montée et qu’on se sert de l’épisode de vendredi pour évincer Adrien. Pourquoi, je ne sais pas, il faudrait leur poser la question», a-t-il ajouté, agrémentant la thèse d’un coup monté par l’OM. Celle-ci est aujourd’hui soutenue par une partie des supporters marseillais, habitués aux étés rocambolesques.

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Mais pourquoi le récent dauphin du PSG utiliserait une bagarre comme prétexte pour vendre l’ancien Parisien d’ici la fin du mercato ? L’Équipe indique ce mercredi que les discussions entre la direction olympienne et Rabiot n’avançaient plus ces dernières semaines concernant une prolongation de contrat. Contrat qui se termine en juin 2026, dans moins d’un an… Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage…

L’hypothèse d’un coup monté

Éviter le départ libre d’un joueur référencé peut s’entendre mais, dans ce cas précis, l’Olympique de Marseille se retrouve piégé par sa communication très positive du début d’été. Figure de proue du fameux «projet de trois ans» vanté par le directeur sportif Medhi Benatia, Rabiot était «quelqu’un de spécial. Je dirais que c’est le meilleur homme que j’ai eu dans un vestiaire pendant toute ma carrière, un exemple de travail», assurait Pablo Longoria, face caméra, dans le documentaire «Sans jamais rien lâcher», produit par le club et qui dévoile les coulisses de la saison dernière. Programme inédit diffusé sur Youtube, très apprécié par le peuple marseillais mais qui ne diffusera sans doute jamais son dernier épisode, contexte explosif oblige. «Adri, au-delà d’être un top joueur, dans sa tête c’est le béton armé», ajoutait Benatia dans le même film. Fabuleuse histoire d’amour…

Adrien Rabiot recevant le trophée de joueur de la saison à l’OM des mains de Medhi Benatia en mai dernier. Johnny Fidelin / Icon Sport

Il n’y a même pas dix jours, «le Duc» assurait dans une interview à La Provence que «la meilleure chose était de rester à l’OM». «Je ne me voyais pas partir au moment où je pense que le plus beau arrive. On a mis quelque chose en place avec le coach, le staff et tous les gens qui travaillent au club. Ici, il y a un vrai projet, une belle saison à faire ! On veut réduire le “gap” avec Paris ! Je voulais faire partie de la suite. [...] Des clubs sont venus, mais j’avais donné ma parole au président, à Medhi (Benatia) et on est resté là-dessus. (...) Des clubs avec des offres alléchantes, mais ce n’est pas ce qui m’attire», détaillait-il, sûr de sa force. Tout va très vite dans le football, qui plus est à Marseille…

De leader du projet à joueur indésirable

Celui qui représentait l’OM dans le générique officiel de la Ligue 1 se retrouve donc, un match et une bagarre plus tard, sur le marché des transferts à dix jours de sa clôture. Les dirigeants olympiens attendraient 15 millions d’euros pour s’en séparer, des «sommes hallucinantes» selon son avocat Romuald Palao. «Oui, forcément qu’on va regarder ce qu’il se passe. Il y a des clubs qui sont venus dans le courant de l’été, certains se sont manifestés ces derniers jours et un peu plus aujourd’hui. Il va y avoir des propositions.»

Ayant toujours la cote en Italie depuis son passage à la Juventus (2019-2024), Rabiot risque de rebondir rapidement. Ou bien, s’il ne trouve pas de point de chute, il pourrait passer la saison à s’entraîner tout seul à la Commanderie, en marge du groupe dirigé par Roberto De Zerbi. Divorce acté. Personne au-dessus de l’institution, tel est le message que l’OM souhaite renforcer.

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Ce qui vaut aussi pour l’Anglais Jonathan Rowe, déjà tombé d’accord avec Bologne selon Sky Sport Italia. Le club italien doit maintenant convaincre son homologue marseillais qui attend une vingtaine de millions d’euros. Rowe, 22 ans, arrivé de Norwich l’été dernier, ne laissera pas de souvenirs impérissables sur le Vieux-Port. Rabiot, principal acteur de ce psychodrame, risque, lui, de quitter Marseille en mauvais termes malgré une première saison réussie. Comme ce fut le cas en 2019 lorsqu’il avait dit adieu au Paris Saint-Germain - club qui l’a lancé en professionnel - après six mois de mise à l’écart sous fond de fond de désaccord contractuel.

Ce samedi (17h), dans un stade Vélodrome qui s’annonce bouillant, ce n’est pas l’ennemi juré PSG mais son voisin, le Paris FC, qui rendra visite aux Olympiens lors de la 2e journée de Ligue 1. Sous les yeux du propriétaire américain de l’OM, Frank McCourt, attendu en tribunes. Pression maximale pour un club et une équipe qui se sont mis le feu tout seuls. Sur un fil émotionnellement mais renforcé par le dénouement de la saison passée, le coach De Zerbi va devoir assumer ses ambitions de départ, ses choix osés et trouver les solutions tactiques. Remarquez, nous ne sommes que le 20 août, il a le temps pour ça, à un mois du début de la Ligue des champions. À moins qu’il ait claqué la porte le temps que l’on écrive ses lignes, on en a vu d’autres dans la cité phocéenne…