Cyclisme : "Agréable de rouler sans le logo d'Israël"... D’anciens coureurs disent leur soulagement de ne plus courir pour l’équipe Israel-Premier Tech

"Heureux et soulagé". C’est ainsi que se décrit l’Italien Alessandro de Marchi, désormais coureur de l'équipe Jayco AlUla, après avoir porté le maillot d’Israel-Premier Tech en 2021 et 2022, dans un entretien donné à The Observer en juillet. Le triple vainqueur d’étape sur la Vuelta indique qu’il ferait les choses "différemment aujourd’hui" pour "défendre ses principes moraux", dans le contexte de la guerre dans la bande de Gaza. Son ancien coéquipier, Jakob Fuglsang, néo-retraité, a lui concédé, lundi 18 août, qu’il était "plus agréable de rouler sans le logo d’Israël", dans des propos relayés par la presse danoise.

"Je ne critiquerai personne qui court là-bas, car chacun est libre de décider, mais pour l’instant, je ne signerais pas de contrat avec Israël. Je ne serais pas capable de gérer les sentiments que j’éprouve pour être impliqué dans quelque chose comme ça", explique De Marchi, élu coureur le plus combatif du Tour de France en 2014, lorsqu’il roulait pour la Cannondale.

"À l'époque, je ne comprenais vraiment pas grand-chose à Israël. Les responsables de l'équipe avaient envie de montrer la beauté du pays - c'était clairement la politique de l'équipe -, mais il n'y avait jamais de sentiments hostiles à Gaza ou aux Palestiniens, ni de référence à l'occupation de la Cisjordanie, poursuit l’Italien. Il y avait une propagande plus légère, disons, qui projetait l'image d'Israël. On sentait que c'était une société complexe et divisée. Mais on voyait aussi qu'il n'y avait pas de place pour discuter de Gaza".

Rudy Barbier, ici au départ d'un contre-la-montre sur le Tour de la Provence en 2022, se dit "étonné" des propos d'Alessandro De Marchi et Jakob Fuglsang. (SIPA)
Rudy Barbier, ici au départ d'un contre-la-montre sur le Tour de la Provence en 2022, se dit "étonné" des propos d'Alessandro De Marchi et Jakob Fuglsang. (SIPA)

"Moi pendant les quatre années où j’y étais, je n’ai jamais eu le sentiment d’être un porte-drapeau ou un porte-parole d’Israël. J’ai signé mon contrat uniquement pour faire du vélo, tempère Rudy Barbier, coureur français qui a évolué au sein de l’équipe israélienne entre 2019 et 2022, contacté par franceinfo: sport. Est-ce que te faire visiter gratuitement le pays pendant une semaine tous les ans c’est enjoliver la chose ? Peut-être, mais moi je le vois plus comme une possibilité de s’ouvrir culturellement, de découvrir un pays. On avait le choix d’aller ou non au Mur des Lamentations, et il n’y a jamais eu d’obligation de communication à prendre des photos devant tel ou tel monument. Depuis, la situation a évolué, elle est plus délicate, et je peux comprendre que les dernières années ont été dures à vivre"

"Tous les coureurs pourront vous dire qu'ils ont reçu des messages hostiles dans leur boîte aux lettres"

Le coureur français se souvient d’une sécurité renforcée sur certaines courses, notamment au Qatar. "Israël est un pays en guerre depuis des décennies et on avait son nom sur le maillot et le cuissard, mais je me suis toujours senti en sécurité parce que l’équipe faisait les choses correctement, explique-t-il. En revanche, tous les coureurs de l’équipe pourront vous dire qu’ils ont reçu, à un moment ou un autre, des messages hostiles dans leur boîte aux lettres ou sur les réseaux sociaux". Une situation pesante qui pourrait expliquer le soulagement de Jakob Fuglsang, vainqueur de Liège-Bastogne-Liège en 2019 et du Tour de Lombardie en 2020, de ne plus porter le logo de l’équipe israélienne sur un vélo. 

Sur le Tour de France 2025, ce logo avait d’ailleurs été modifié, en enlevant le nom du pays, et en ne conservant que l’étoile et le sponsor Premier Tech, aussi bien sur les véhicules de l’équipe que les équipements des coureurs. Des agents des forces de l’ordre, fusils d’assaut à la main, montaient également la garde autour du bus de la formation israélienne, et des membres d’autres équipes concédaient préférer ne pas partager le même hôtel.

A Toulouse, un manifestant pro-palestinien avait fait irruption sur la ligne d’arrivée de la 11e étape pour demander le retrait de l’équipe du peloton. Alessandro De Marchi appelle quant à lui l’Union cycliste internationale (UCI) à
"prendre des mesures concrètes pour positionner le monde du cyclisme dans le bon sens et montrer sa conscience de ce qui se passe à Gaza".