«Une solution pour améliorer la vie de nos concitoyens» : le gouvernement mise gros sur les cars express
François Durovray persiste et signe. Jeudi, au congrès de la FNTV (Fédération nationale des transports de voyageurs), le ministre des Transports a remis l’accent sur les cars express. Une idée qu’il avait déjà évoquée deux fois en octobre. « C’est une solution pour améliorer la vie de nos concitoyens dont beaucoup font des trajets longs et coûteux en voiture pour aller travailler », explique-t-il. À la place, on leur proposerait d’emprunter des lignes de car avec beaucoup de fréquences et des voies réservées qui permettent de garantir des temps de trajet raccourcis. Cerise sur le gâteau, ces véhicules plus confortables que des bus seraient équipés de wi-fi.
La cible ? Les quinze millions de Français loin des grands centres urbains et mal desservis par le train. Cette formule existe déjà ici et là. Le car express Aix-Marseille transporte chaque année 2,5 millions de passagers. Devant son succès, celui qui fait Dourdan-Massy vient d’être doté d’un bus à deux étages. « Sur ce modèle, nous avons un Millau-Montpellier », témoigne Jean-Luc Gibelin, vice-président de la Région Occitanie, chargé des transports. Il s’agirait donc de généraliser ce dispositif. Car il est beaucoup moins coûteux et plus rapide à mettre en place que les RER métropolitains. Sans parler du plan à 100 milliards d’euros promis début 2023 par Élisabeth Borne, alors première ministre, qui semble tombé dans les limbes.
Une façon de marquer son territoire
Bref, dans l’équipe Barnier où le mot d’ordre est de faire plus avec moins, ce plan coche beaucoup de cases. Pour François Durovray, c’est aussi une façon de marquer son territoire. Quand il est entré au gouvernement, la taxation du transport aérien était déjà dans les tuyaux, voire décidée. Et sa marge de manœuvre dans ce domaine semble assez faible. En revanche, sa légitimité sur les cars express est indéniable. Président du conseil départemental de l’Essonne, il avait fait un rapport en 2023 sur ces fameux cars qui a incité Valérie Pécresse, présidente de la Région Île-de-France, à mettre en place ce système : une cinquantaine de lignes doivent être déployées pour un coût de 70 millions d’euros. La ligne Bréval-La Défense qui emprunte l’A 14 a été lancée en septembre avec, pour l’instant, trois allers le matin et trois retours le soir.
Mais, promouvoir le car qui fonctionne encore souvent au diesel, cela a vite fait d’être considéré comme suspect pour un ministre des transports. Les anciens titulaires de ce portefeuille, Clément Beaune, en tête, préféraient chanter les louanges du train et de son bilan carbone imbattable. François Durovray a bien senti le piège. « Évidemment, je suis favorable à ce qu’il y ait plus de trains, glisse-t-il. Mais quand bien même nous augmenterions énormément la part du train dans les mobilités des Français, la route restera le vecteur principal de ces mobilités. Notre enjeu est donc de faire en sorte que la route transporte plus de monde dans moins de véhicules. »
Faire plus avec moins
Sur le papier, les élus qui ont en charge le transport sont favorables à l’instauration de cars express. « Si c’est un service complémentaire au train, je dis oui, résume Jean-Luc Gibelin. Cela deviendrait problématique si on me disait de remplacer le train Montauban-Toulouse par un car express. » Cela n’en prend pas du tout le chemin. Reste maintenant l’éternelle question : qui va payer pour ce mode de transport ? Pas les passagers, ou très peu. Par exemple, en Île-de-France, les détenteurs du Pass Navigo font Bréval-La Défense sans bourse délier. Les collectivités locales, souvent mises à contribution, disent que leur cagnotte est vide. « Avec la baisse de la dotation globale de fonctionnement, la TVA plafonnée et l’augmentation des coûts de la mutuelle des fonctionnaires, nous devons déjà trouver 75 millions d’euros pour atteindre l’équilibre », soupire Philippe Fournié, vice-président de la Région Centre Val-de-Loire, en charge des transports.
Du coup, le gouvernement cherche des solutions sans que cela ne s’impute sur le budget de l’Etat. Un casse-tête. Concernant l’achat de cars, qui plus est décarbonés, François Durovray explore une piste : les faire en partie financer par les CEE (Certificat d’économie d’énergie) payés par les entreprises les plus polluantes. Sur les six milliards d’euros de recettes, seulement 6% vont à la mobilité propre. Une modification dans un texte technique devrait permettre cette évolution majeure. Pour la prise en charge du fonctionnement de ces lignes de cars express, le ministre des Transports ne veut pas trop en dire : « J’ai bon espoir que d’ici la fin de l’année on trouve un véhicule qui permette aux territoires d’avoir des ressources pour développer ces services », souligne-t-il.
Faire en sorte que les régions puissent toucher le VM (Versement mobilité) payé par les entreprises pourrait être une piste. Aujourd’hui, seule l’Île-de-France en bénéficie car elle gère tous les transports en commun (trains de banlieue, métro, tramway...) à la différence des autres régions en charge uniquement des TER. Comme d’habitude, il faudra donc attendre la fin des négociations budgétaires pour avoir le fin mot de l’histoire. Pour repartir sur de meilleures bases, François Durovray organisera début 2025 une conférence sur le financement des infrastructures. « Elle doit nous permettre de trouver les financements, sans mobiliser le budget de l’État, pour déterminer les travaux routiers et ferroviaires qu’on est en mesure de faire sur les dix à quinze prochaines années », décrypte-t-il. Là encore un exercice de haute voltige en période de contrainte budgétaire maximum.