« Je me sens salie une fois de plus » : pourquoi la justice n’ouvrira pas d’enquête dans l’affaire abbé Pierre
Une nouvelle « catastrophique » pour Rachel, cinquante ans après avoir été victime d’un baiser forcé de la part de l’abbé Pierre. Elle est l’une des 33 personnes qui accusent le prêtre d’agressions sexuelles et de viols, y compris sur mineurs. Et le parquet de Paris, a annoncé, mardi 4 février, n’ouvrir aucune enquête pénale pour établir des responsabilités visant depuis l’été 2024 la figure d’Emmaüs, morte en 2007, les faits étant prescrits. Pendant plus d’un demi-siècle, les accusations dont il faisait l’objet ont été couvertes d’une chappe de plomb, alors même que l’archevêque de Paris le qualifiait de « grand malade » dès l’année 1958. En plus de nier en bloc, la figure emblématique de la lutte contre les inégalités menaçait certains de ceux qui l’accusaient. Les faits dénoncés s’étalent des années 1950 aux années 2000.
La Conférence des évêques de France (CEF), qui avait demandé au parquet de Paris d’étudier la possibilité d’une enquête, a également indiqué regretter cette « décision », « tout en la comprenant », à l’Agence France-Presse. La CEF « exprime sa proximité aux personnes victimes et redit sa détermination à agir pour que toute la vérité possible soit faite sur les actes commis par l’abbé Pierre », a-t-elle ajouté.
Emmaüs a qualifié l’abbé Pierre de « prédateur »
De son vrai nom Henri Grouès, l’abbé Pierre a été visé par des accusations d’agressions sexuelles et viols révélés dans trois rapports différents publiés depuis juillet 2024 par le cabinet Egaé, mandaté par le mouvement Emmaüs et la Fondation abbé Pierre pour enquêter sur ses agissements.
À la publication du dernier rapport, mi-janvier, Emmaüs a qualifié son fondateur de « prédateur ». Parmi les nouvelles accusations figuraient un viol sur mineur et des faits concernant au moins un membre de la famille du prêtre. L’Église catholique, par l’intermédiaire du président de la CEF Éric de Moulins-Beaufort, avait saisi la justice mi-janvier afin qu’elle étudie la possibilité d’une enquête, avec un signalement « pour non-dénonciation de viols et agressions sexuelles sur personnes vulnérables et mineurs ».
Le parquet de Paris lui aurait fait savoir, par courrier, le 24 janvier, que « l’action publique était éteinte par le décès du mis en cause en 2007 en ce qui le concernait personnellement, et prescrite en ce qui aurait éventuellement pu concerner des non-dénonciations de faits », a-t-il indiqué, mardi 4 février, à l’Agence France-Presse.
« Une enquête judiciaire a pour objectif de rechercher si des faits pénalement répréhensibles peuvent et doivent être jugés », a-t-il également rappelé. Et de poursuivre : « S’il arrive que le parquet ouvre des enquêtes sur la dénonciation de faits manifestement prescrits au préjudice de mineurs, comme l’y a par ailleurs incité une circulaire ministérielle, c’est afin de rechercher si d’autres mineurs avaient par la suite été victimes de faits similaires ».
« Si ces faits plus récents s’avèrent non prescrits, le parquet peut alors engager des poursuites contre le mis en cause pour l’ensemble des faits. Ce n’est évidemment pas le cas lorsque celui-ci est décédé », a ajouté le parquet.
La non-dénonciation d’infractions « a pour objectif de s’assurer que, tant que la victime est dans l’incapacité d’agir par elle-même, les personnes ayant connaissance des faits empêchent qu’ils se reproduisent, et permettent qu’ils soient jugés », a également développé le ministère public. Mais, « l’analyse des trois rapports d’Egae n’a pas permis de révéler la situation de victimes pour lesquelles la commission d’une éventuelle non-dénonciation serait encore susceptible de poursuites », est-il ajouté.
« Je me sens salie une fois de plus »
En tout état de cause, cette absence de poursuites indigne Rachel, qui a subi un baiser forcé de la part de l’abbé quand elle avait huit ans. Elle s’est dite « atterrée » au micro de RTL. « Je me sens salie une fois de plus », affirme-t-elle. Elle a expliqué avoir porté plainte dans le Val-de-Marne contre lui, ainsi que contre son beau-père qui la violait, pour des faits datant de 1973.
« Ce n’est pas que je n’ai pas parlé. J’ai parlé, mais on ne m’a pas entendue », a-t-elle expliqué sur franceinfo. « Pendant tout le mois de juillet [2024], on n’a pas arrêté de nous solliciter pour raconter notre histoire. » a-t-elle ajouté. « Je tombe des nues et j’ai une sensation de colère et d’amertume », a-t-elle poursuivi.
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