Loi immigration : la CMP de tous les dangers

À quoi pourrait ressembler un deal entre la droite d’Éric Ciotti et la Macronie ? Sept députés et sept sénateurs doivent se réunir ce lundi en commission mixte paritaire (CMP) dans le but de trouver un accord concernant le projet de loi immigration. Mais les tractations vont en réalité bon train depuis plusieurs jours à Matignon, où la première ministre Élisabeth Borne ne cesse de recevoir des délégations d’élus LR, après le vote à l’Assemblée d’une motion de rejet contre le texte, il y a une semaine.

Soit le plus gros camouflet infligé à ce jour à Emmanuel Macron, qui souhaite que l’affaire soir réglée avant Noël. « Ce débat va se poursuivre sur un texte très clair, celui du Sénat. C’est le seul texte que nous soutiendrons ! » martèle de son côté Éric Ciotti, le président du parti LR, qui compte profiter de la CMP pour imposer ses conditions. « Je souhaite, non pas un texte d’équilibre, mais un texte clair et fort pour diminuer drastiquement l’immigration », confirme Bruno Retailleau, le patron des sénateurs LR, qui précise que les élus de droite « n’accepteront ni marchandage ni saucissonnage » du texte.

La Macronie obligée de faire des concessions à la droite

De fait, la droite se retrouve en position de force dans cette CMP. « Ça risque d’être un texte monstrueux, où toutes les personnes étrangères seraient par principe suspectes. Les lignes rouges de Renaissance étaient écrites à l’encre sympathique. À peine écrites, déjà effacées », dénonce le sénateur PCF Ian Brossat.

La Macronie serait en effet sur le point de concéder de nombreux points à la droite. La régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension, l’une des rares mesures de progrès contenue dans le texte initial, pourrait être définitivement enterrée au profit de régularisations au cas par cas par les préfets. Le versement des aides sociales aux étrangers serait de son côté conditionné à une présence de trois années sur le territoire (contre six mois aujourd’hui), ce qui va dans le sens de la droite, qui réclamait cinq années.

Selon le Figaro, la Macronie pourrait aussi accepter de mettre une place une peine de déchéance de nationalité pour les binationaux tuant ou essayant de tuer des personnes détentrices de l’autorité publique. Seule concession majeure de la droite : elle pourrait renoncer à son projet de réduction drastique de l’Aide médicale d’État (AME) pour les étrangers, à condition que le gouvernement s’engage à y revenir « en début d’année ». Le ministre de la Santé Aurélien Rousseau et le porte-parole du gouvernement Olivier Véran s’étaient publiquement opposés à pareille mesure.

En cas d’accord, lundi, en CMP, un vote solennel se déroulerait ensuite dans les deux chambres du Parlement, possiblement dès mardi. Les élus ne pourraient alors ni amender ni débattre du texte, seule la version issue de la commission étant soumise au vote.

Situation paradoxale : l’Assemblée nationale, qui a défié comme jamais le gouvernement lors du vote de la motion de rejet sur ce projet de loi, pourrait au final l’adopter sans même en avoir débattu dans l’Hémicycle… Reste à savoir si les députés de « l’aile gauche » macroniste accepteront un texte largement réécrit par la droite ou non.

La gauche appelle au retrait du projet de loi

Élisabeth Borne a pour sa part annoncé qu’elle n’hésiterait pas à recourir au 49-3 pour contraindre sa majorité si besoin. Un pari risqué, à même d’éclater toujours plus une Macronie fragilisée. Ce scénario a toutefois été écarté par Emmanuel Macron, qui dit préférer abandonner le projet de loi immigration en cas d’absence d’accord entre les parlementaires et le gouvernement.

Une issue qui apparaît comme la seule raisonnable pour la gauche. « Qui peut se satisfaire de voir son pays sombrer dans une crise politique autour de l’immigration ? Comme si les Français n’en avaient déjà pas assez comme ça. Comme s’il n’y avait pas une crise sociale grave pour des millions de ménages, de travailleurs, de retraités, d’étudiants confrontés à l’inflation, au recul des services publics. Comme s’il n’y avait pas de crise climatique à résoudre en urgence ? » s’est ainsi indigné Fabien Roussel dans une tribune publiée sur Facebook.

Le secrétaire national du PCF considère que « oui, la question de l’immigration doit être traitée dans les débats avec les Français comme au Parlement », mais qu’« au lieu d’élever le débat sur ces sujets, de rappeler la richesse de l’immigration dans la construction de notre pays, hier comme aujourd’hui, le président de la République fait le choix de s’aligner sur les thèses (qui font) de l’immigré le nouveau paria de nos sociétés modernes ». La droite et le RN, eux, se frottent les mains.