Avec l’adoption de sa proposition de loi – relative à la réduction du droit du sol à Mayotte, la droite républicaine ouvre la fenêtre d’Overton à l’extrême droite
Il n’est nul besoin de rappeler une fois de plus dans le détail le chaos qu’a laissé derrière lui Chido, après son passage sur Mayotte en décembre dernier. Ce cyclone tropical d’une intensité exceptionnelle, suivi de près par la tempête Dikeledi, s’est révélé dévastateur, tant sur le plan humain que matériel. Humain d’abord, endeuillant des dizaines de familles et laissant toute une population dans l’incertitude face à un bilan humain nébuleux dont l’exactitude reste soumise à caution. Matériel ensuite, réduisant à néant des centaines de milliers d’habitations, privant d’eau la quasi-totalité des habitants, rendant impraticables la plupart des routes, impactant lourdement et dans la durée l’accès à l’électricité.
Ce drame, s’il aura des conséquences durables en matière de biodiversité, est avant tout humain, éclairant crument les problématiques auxquelles sont confrontées la populationmahoraise depuis des décennies. Malgré tout, un pan entier du personnel politique, au premier rang duquel se trouvent des membres de l’actuel gouvernement, ont sciemment décidé de déporter le débat sur l’immigration. Serait-ce là une stratégie, aussi grossière que vaine, de masquer les responsabilités et insuffisances de l’État à Mayotte, et plus globalement, à l’égard de l’ensemble des territoires dits d’outre-mer ?
Le vote à l’Assemblée nationale, le 6 février dernier, de la proposition de loi de la droite dite républicaine, soutenue par le Gouvernement et le ministre de la Justice, constitue une victoire politique pour l’extrême droite.
Alors que nos territoires ultramarins sont, et l’année 2024 l’aura démontré à bien des égards, en grande difficulté tant sur le plan économique que social, l’immigration est instrumentalisée honteusement par les droites et sert de paravent vétuste aux véritables préoccupations de nos populations.
Déjà en 2018, l’adoption de la loi « asile et immigration » portée par feu Gérard Collomb avait contribué à durcir les conditions d’accès à la nationalité française à Mayotte.
Le texte actuel, qui devra faire l’objet d’un examen par le Sénat, vient à nouveau flatter les bas instincts et servir les discours fétides des politiques les plus réactionnaires. En effet, il conditionne l’obtention de la nationalité française pour les enfants nés à Mayotte à la résidence régulière sur le sol français, au moment de la naissance, des deux parents (et non plus d’un seul), et ce depuis trois ans (et non plus trois mois).
Pire encore, le garde des Sceaux en a profité pour exprimer une position personnelle en faveur de l’abrogation pure et simple du droit du sol à Mayotte. Par ces déclarations, le ministre témoigne, mais également incarne, la lente mais sûre dérive de nombre de nos responsables politiques. Loin de résoudre les problématiques auxquelles font face nos compatriotes mahorais, ils ne font que renforcer l’idéologie de l’extrême droite dont les propos aussi simplistes que démagogiques visent à désigner les immigrés comme la source intarissable de tous les problèmes que nous connaissons.
Faut-il rappeler ici que Mayotte est devenu un département français il y a seulement un peu plus d’une dizaine d’années ? Sa législation reste amplement dérogatoire par rapport à celle en vigueur sur le territoire hexagonal, en particulier sur la thématique de l’immigration. On ne compte plus ces mesures allant d’un droit du sol plus contraignant, à des titres de séjour uniquement valables à Mayotte, en passant par le recours non suspensif contre les OQTF ou bien encore l’absence d’aide au retour ou d’allocation pour les demandeurs d’asile.
Avons-nous déjà procédé à des études d’impacts des mesures en vigueur ? Non, au contraire, nous voyons céder, les uns après les autres, à la surenchère mortifère de l’extrême droite, des représentants politiques qui se revendiquent encore éhontément du gaullisme et usent et abusent du terme désormais dévoyé de République.
Au-delà de nos appartenances partisanes, chacune et chacun des parlementaires, devrait agir, se battre pour que la dite République tienne sa promesse sur l’intégralité des territoires français, quel que soit le nombre de kilomètres qui les séparent de Paris la jacobine. C’est cela qui permettra de répondre aux préoccupations légitimes des ultramarins plutôt que de contribuer à entrouvrir davantage encore la fenêtre d’Overton, dont les courants d’air qui s’y engouffrent se font de plus en plus glacés, ne servant, en premier et dernier lieu, que les tristes passions et obsessions de l’extrême droite.
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