Mort de Nahel : un procès pour meurtre requis contre le policier auteur du tir

Il avait été mis en examen, puis avait effectué quatre mois de détention provisoire avant d’être remis en liberté sous contrôle judiciaire : Florian M., le policier auteur du coup de feu mortel à l’encontre de Nahel Merzouk, en juin 2023 à Nanterre (Hauts-de-Seine), s’achemine vers un procès pour meurtre. C’est en tout cas ce que préconise le réquisitoire définitif rendu mardi 4 mars par le parquet de Nanterre. Pour l’autre policier présent au moment des faits, mis en examen pour complicité d’homicide volontaire, c’est en revanche un non-lieu qui est requis.

Une vidéo déterminante

Le drame était intervenu le 27 juin 2023, à l’issue d’une course-poursuite entre l’adolescent au volant d’une Mercedes et les deux policiers à moto qui avaient voulu le contrôler. Selon le réquisitoire, consulté par l’AFP, le véhicule s’était ensuite retrouvé « bloqué dans le flot de la circulation, et même s’il tentait de redémarrer, il n’apparaît pas qu’il ait représenté un danger immédiat » pour les policiers. Dans une première version des faits, qui avait été reprise par leur commandement, ceux-ci affirmaient que le tireur s’était placé devant la Mercedes et avait déclenché son tir – qui avait atteint Nahel en pleine poitrine – seulement parce que le jeune homme avait redémarré et foncé sur lui, mettant sa vie en danger. C’est ce récit qu’une vidéo amateur prise sur les lieux, puis diffusée sur les réseaux sociaux, avait fait voler en éclats aux yeux de la France entière.

En mai 2024, une reconstitution des faits avait permis d’établir que, contrairement à ce qu’affirmaient certains témoignages, il n’y avait pas eu de coups portés au visage de Nahel par les policiers, mais aussi que ces derniers n’avaient pas été mis en danger par le redémarrage du véhicule. Cette version est donc confirmée aujourd’hui par le parquet, pour qui « selon toute vraisemblance, le déclenchement du tir s’explique essentiellement par l’état de tension extrême dans lequel la scène a eu lieu », évoquant une « prise de risque inconsidérée » alors que « précisément, en sa qualité de fonctionnaire de police expérimenté, [le tireur] aurait dû conserver son sang-froid ».

La qualification de meurtre s’imposait 

Avocate de la famille de Nahel, Margot Pugliese a estimé mardi que « la qualification de meurtre s’imposait », tout en regrettant « l’absence de réaction judiciaire » concernant le second policier impliqué. Maître Frank Berton, conseil de la mère de Nahel, Mounia Merzouk, a également estimé qu’il n’y avait « pas d’autre qualification possible » que celle de meurtre dans cette affaire : « Le geste est volontaire et l’intention de tuer évidente. » Il a précisé que « pour la mère de Nahel, c’est un soulagement. Cette femme n’avait qu’une crainte, c’est que dans le combat qu’elle menait pour établir que son fils avait été tué volontairement, on arrive par je ne sais pas quelle opération à éviter une comparution devant la cour d’assises » des policiers mis en cause.

À l’inverse, l’avocat de Florian M., Laurent-Franck Liénard, s’est déclaré à l’AFP « sans surprise » face à ces réquisitions, tout en maintenant que « le tir était parfaitement légal ». Pour sa consœur Pauline Ragot, avocate du second policier mis en cause et placé sous statut de témoin assisté, « l’accusation elle-même admet (…) que rien ne peut lui être reproché, ce qui correspond à la stricte réalité du dossier ». La réaction est plus véhémente du côté des syndicats de policiers. Linda Kebbab, porte-parole d’Un1té, s’est dite « sidérée ». « Quel policier peut imaginer possible de se retrouver renvoyé aux assises pour meurtre alors qu’il a pour seule boussole de rendre les rues plus sûres pour la population ? » De son côté le syndicat Alliance a dénoncé une « décision inacceptable » et appelé les policiers à « exprimer leur colère » en se rassemblant devant les commissariats aujourd’hui mercredi, à 12 h 30. Des réactions qui cadrent avec l’état d’esprit des forces de police, tel que décrit en février 2024 dans une enquête de la Défenseure des droits, montrant que pour une majorité (51,8 %) de policiers et gendarmes, le respect de la loi était moins important que la réussite de leurs missions.

On se souvient que, dans les jours qui avaient suivi le drame, des émeutes avaient touché de nombreuses communes. Loin des moyens supplémentaires promis à l’époque par la première ministre Élisabeth Borne, elles n’ont depuis connu que des mesures répressives, la dernière en date étant la loi Attal sur la justice des mineurs, adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale le 13 février. Au premier rang des communes touchées, le maire de Nanterre, Raphaël Adam, a rappelé mardi l’« exigence de justice et de vérité que notre société doit à la famille de Nahel » et à tous les citoyens de sa ville. Il revient à présent à un juge d’instruction de décider si un procès se tiendra ou non.

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