Coupe rase dans le budget des sports : « Après les Jeux olympiques, le problème, c’est l’héritage »

Ancienne coprésidente de la Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT), Emmanuelle Bonnet-Oulaldj a suivi de près la construction des Jeux olympiques et paralympiques. Notamment depuis le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et l’Agence nationale du sport, dont elle a été administratrice. Un an après la « réussite » de Paris 2024, elle dresse un bilan plus contrasté du fameux « héritage » tant promis. Là réside, selon Emmanuelle Bonnet-Oulaldj, le « problème ».

Un an après les Jeux olympiques et paralympiques, qu’en retenez-vous ?

La cérémonie a, en montrant cette France diverse, ouvert de façon extraordinaire ces Jeux. C’est ce dont nous avions besoin, quelques jours seulement après les législatives anticipées et la crainte de voir Jordan Bardella arriver à Matignon. La suite des Jeux a été tout aussi exceptionnelle, avec une vraie dimension populaire. J’ai notamment en mémoire les images du triathlon aux abords de la Seine, le marathon pour tous et les fan zones. C’était donc une réussite. Mais le problème, c’est celui de l’héritage.

Qu’est-ce qui pêche selon vous ?

Pour accompagner ces Jeux, Emmanuel Macron avait déclaré le sport « grande cause nationale » avec comme mesure phare « bouge 30 minutes par jour ! ». Un programme tout sauf ambitieux qui réduit l’activité physique et sportive à une vision hygiéniste sans perspective éducative. Dans l’idée, on en reste aux premières lois sur l’activité physique et sportive, conséquences de la débâcle de la France dans la guerre franco-prussienne car les soldats ne savaient pas nager.

Il y aurait tant à faire ! Le sport peut permettre de s’émanciper, de s’approprier son corps, de progresser, de réaliser des exploits, chacun à son niveau. En parallèle de cette campagne, l’éducation physique et sportive (EPS) a continué à être sacrifiée : depuis 2017, le temps de formation des enseignants du premier degré a baissé de 40 %.

C’est pourtant le rôle de l’école de donner à chaque enfant le droit de savoir courir, sauter, glisser, nager, rouler comme il ou elle doit savoir lire, écrire et compter. Avec le Covid, les inégalités motrices des enfants se sont renforcées avec une prime aux milieux sociaux favorisés qui peuvent partir en vacances et accéder aux loisirs sportifs.

Comment expliquez-vous qu’Emmanuel Macron et ses gouvernements successifs ne tiennent pas leurs promesses sur le sport ?

À force de dire que le sport n’est pas politique, on passe à côté de sa dimension sociale ! Le problème n’est pas tant les promesses que la conception que l’on a du sport. À partir de 2017, les mots ont changé. L’objectif n’était plus de développer le nombre d’adhérents dans les clubs mais celui de pratiquants, ouvrant ainsi la voie à la marchandisation.

Nous sommes sortis d’une logique de promotion de la vie associative, du bénévolat et du lien social, pour orienter les politiques publiques sur des logiques consuméristes. Le Pass’sport, soutien de 50 euros à destination des 6-17 ans dont les parents sont bénéficiaires de l’allocation de rentrée scolaire, a même été ouvert aux structures marchandes à l’été 2024.

Dernièrement, le sport, pour les macronistes, c’est aussi des baisses de budget…

Le budget sport, jeunesse et vie associative, qui pèse à peine 0,3 % du budget de l’État, va baisser de 18 % en 2026 ! Une hérésie un an après les Jeux. Les 6-13 ans vont être exclus du dispositif du Pass’sport. On a du mal à y croire. Et à vrai dire à suivre, car chaque mois ou presque, il y a des annonces de baisses budgétaires. Le mouvement sportif, dont la FSGT au premier plan, a longtemps porté l’ambition de porter ce budget à 1 % du PIB. On en est très loin. Pourtant, il y a des besoins. Après les Jeux, le taux d’adhésion a bondi de 5 % dans les fédérations mais faute d’équipements sportifs, les listes d’attente se remplissent au même rythme que les inégalités sociales et territoriales se creusent.

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