Suisse : à Lucerne, une chapelle utilise une IA représentant Jésus pour interagir avec les fidèles

Suisse : à Lucerne, une chapelle utilise une IA représentant Jésus pour interagir avec les fidèles

Le Jésus-IA est représenté sur un écran avec de longs cheveux. (Image d’illustration) Renáta Sedmáková / stock.adobe.com

«Deus in Machina» a pris place dans un confessionnal et est capable de dialoguer dans une centaine de langues différentes. Depuis son installation au mois d’août, la petite chapelle est devenue un véritable exemple de modernité.

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C’est l’une des plus anciennes églises catholiques de Lucerne, en Suisse, et pourtant, elle est à la pointe de la modernité. La chapelle Saint-Pierre (Peterskapelle), située sur les berges de la Reuss, a installé à l’occasion du centième anniversaire de la société suisse de Saint-Luc une intelligence artificielle qui prend la forme de Jésus. Cette installation, connue sous le nom de «Deus in Machina», est capable d’échanger avec les fidèles et visiteurs dans une centaine de langues.

Ce Jésus-IA n’est pas destiné aux confessions mais plutôt aux échanges sur la spiritualité. Manquant de place et cherchant un endroit où les gens pourraient avoir des conversations privées avec l’avatar, l’église l’a installé dans le confessionnal. Les visiteurs partagent ainsi leurs questions avec «un hologramme céleste», est-il indiqué sur la page de la chapelle dédiée à cette installation. «Deus in machina nous encourage à réfléchir de manière critique aux limites de la technologie dans le contexte de la religion».

Chapelle pionnière

Marco Schmid, théologien de la chapelle Saint-Pierre raconte au quotidien britannique The Guardian : «Nous voulions voir et comprendre comment les gens réagissent à une intelligence artificielle de Jésus. De quoi parlent-ils avec lui ? Y aurait-il un intérêt à lui parler ? Nous sommes probablement des pionniers dans ce domaine». De nombreuses discussions ont ensuite eu lieu pour savoir qui l’IA représenterait-t-elle : «un théologien, une personne ou un saint ? Puis nous avons compris que la meilleure figure était Jésus lui-même», se remémore Marco Schmid.

Après avoir reçu une formation aux textes théologiques, le Jésus-IA a pu répondre en temps réel aux questions des visiteurs. Il a été conseillé à ces derniers de ne pas divulguer d’informations personnelles puisqu’il «ne s’agit pas d’une confession», indique Marco Schmid.

Retours contrastés

Durant la durée de l’expérience, plus de 1000 personnes ont saisi l’occasion d’interagir avec l’avatar. Certains venaient de Chine, du Vietnam. Des fidèles musulmans ont même saisi l’occasion «d’échanger avec Jésus». Environ 230 utilisateurs ont réagi suite à leur expérience. Les deux tiers la qualifient d’ailleurs de «spirituelle». «Ils ont vécu un moment religieusement positif avec ce Jésus IA», annonce Marco Schmid, qui ne cache pas sa surprise.

Il constate cependant une grande disparité dans les réponses de l’avatar. «J’ai l’impression que parfois il était vraiment très bon et que les gens étaient incroyablement heureux, surpris et inspirés», indique-t-il. «Et puis il y avait aussi des moments où il n’était pas si bon, peut-être plus superficiel».

En effet, plusieurs utilisateurs ont eu des retours plus négatifs, et déclaré qu’il leur était impossible de parler à une machine. Un journaliste de Swissinfo qui a essayé l’appareil explique que Jésus-IA n’a «pas reconnu mon genre» et décrit ses réponses comme étant parfois «banales, répétitives et d’une sagesse rappelant les clichés du calendrier plutôt que des savoirs théologiques».

Critiques dans la communauté ecclésiastique

L’expérience a surtout fait l’objet de critiques de la part de certains membres de la communauté ecclésiastique. Alors que des catholiques ont protesté contre l’utilisation du confessionnal, des protestants se sont offusqués de l’utilisation de l’image de Jésus dans un tel cadre. 

Marco Schmid a aussi expliqué «le risque que la chapelle a pris en espérant que l’IA ne donnerait pas de réponses illégales, explicites, ou en contradiction avec les enseignements de l’Église». Dans l’espoir d’atténuer ce risque, des tests avaient au préalable été effectués auprès de 30 personnes. «Nous n’avons jamais eu l’impression qu’il disait des choses étranges», estime le théologien. «Mais bien sûr, nous ne pouvions pas garantir qu’il ne le ferait pas».

En fin de compte, cette incertitude l’a amené à décider que Jésus-IA devait rester une expérience. «La responsabilité serait trop grande». Il s’est toutefois empressé d’évoquer le potentiel plus large de l’idée. «Il s’agit d’un outil très facile d’accès qui permet de parler de religion, de christianisme et de foi chrétienne», a-t-il déclaré, estimant qu’il pourrait être transformé en une sorte de guide spirituel multilingue capable de répondre aux questions religieuses. Les résultats complets de l’expérimentation seront annoncés par la chapelle demain.