L’Allemagne restitue un tableau pillé par les nazis à la famille d’une entrepreneuse juive
Plus de 80 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, la famille de l’entrepreneuse juive Greta Klein, originaire de Vienne, a récupéré une huile sur panneau de bois toile intitulée Hansl’s erste Ausfahrt (Heimkehrende Kinder) (Le Premier Voyage de Hansel) du peintre autrichien Ferdinand Georg Waldmüller (1793-1865). En 1938, Greta Klein avait été contrainte de vendre son usine de chaussures à Vienne par les nazis, sa famille avait dû alors remettre tous leurs objets de valeur. En 1939, la famille fuit pour la Palestine et l’État nazi s’approprie les possessions abandonnées, notamment une villa et de nombreuses œuvres d’art. Selon les recherches menées par des spécialistes, le tableau volé aurait dû faire partie du projet muséal d’Adolf Hitler intitulé Sonderauftrag Linz (Mission spéciale Linz). Plus de 60 œuvres du peintre Ferdinand Georg Waldmüller avaient été acquises par les nazis. Après la guerre, le tableau est entré en 1960 dans les collections d’art du gouvernement allemand en tant qu’ancien bien du Reich et avait été plus récemment prêté au musée de Wiesbaden. « Chaque restitution est un geste important », a commenté le ministre allemand de la Culture, Wolfram Weimer.
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Moins d’une centaine d’œuvres d’art ont été restituées
Entre 1933 et 1945, les nazis ont pillé plus de 600 000 œuvres d’art à travers l’Europe, dont environ 200 000 en Allemagne. La majorité de ces œuvres sont aujourd’hui encore considérées comme disparues. Beaucoup d’entre elles se trouveraient toujours dans des collections privées ou des musées publics sans avoir été formellement identifiées comme du butin nazi. Depuis 1998, l’État allemand n’a officiellement restitué que moins d’une centaine d’œuvres d’art à leurs propriétaires légitimes. Il est aujourd’hui difficile de trouver des chiffres exacts, car le sujet de l’art spolié a longtemps été un tabou en Allemagne et reste encore aujourd’hui un sujet délicat.
Passer la publicitéEn février 2025, le Süddeutsche Zeitung a révélé l’existence de rapports internes selon lesquels les collections d’art nationales bavaroises abriteraient environ 200 œuvres spoliées par les nazis, notamment des tableaux de Picasso et de Klee. La plupart des héritiers, souvent issus de familles juives, n’en auraient jamais été informés. Ces révélations ont provoqué un scandale en Allemagne et mis le gouvernement sous pression. Longtemps critiqué pour sa lenteur et l’absence d’un cadre juridique clair, l’État allemand a finalement réagi en affirmant sa responsabilité particulière en matière de restitution des biens culturels saisis à l’époque nazie. Pour répondre à cette obligation, les autorités ont annoncé le renforcement des recherches de provenance, la mise en place d’un organe d’arbitrage contraignant ainsi que l’adoption d’une loi efficace sur la restitution.
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Pourquoi la restitution s’avère-t-elle si compliquée ? Dans un pays fortement bureaucratique comme l’Allemagne, les obstacles juridiques sont nombreux, notamment des délais de prescription ou des preuves de propriété complexes. Ce sont notamment les musées qui se montrent hésitants : selon Die Welt, seuls 12 % d’entre eux mènent des recherches systématiques sur l’origine de leurs collections. En 1998, la déclaration de Washington avait ouvert la voie aux restitutions, par laquelle les gouvernements des pays concernés s’engagent à restituer les œuvres d’art à leurs héritiers légitimes ou à les indemniser financièrement.