Qui est Philippe Laguérie, le prêtre controversé qui a donné l’extrême-onction à Jean-Marie Le Pen ?

Qui a accompagné Jean-Marie Le Pen dans ses derniers moments ? Malgré son lien complexe avec la religion catholique, cette figure de la Ve République, tant décrié par ses détracteurs et tant pleuré par ses partisans, est mort le 7 janvier en ayant reçu les derniers sacrements. Après son enterrement samedi à La Trinité-sur-Mer, dans le Morbihan, dans l’intimité familiale, c’est aussi par une célébration religieuse que ses proches et partisans lui rendront un dernier hommage, dans l’église Notre-Dame du Val-de-Grâce, le 16 janvier à 11 heures.

Le 14 novembre dernier, c’est une figure bien connue du milieu intégriste, l’abbé Philippe Laguérie, qui s’était rendu auprès du fondateur du Front national pour lui donner l’extrême-onction, la communion et le sacrement de la confession. Ce dernier aurait, selon Le Parisien, «croisé» les filles du mourant, dont Yann Le Pen, «avec qui ils ont eu une altercation», raconte un ancien proche du «Menhir». «Ses filles font barrage en invoquant des raisons de santé. Je leur laisse cette appréciation», a répondu Philippe Laguérie interrogé par le quotidien.

Est-ce le curriculum de ce prêtre au fort tempérament qui suscite la défiance de la famille Le Pen ? Philippe Laguérie, qui a été 13 ans curé de l’église Saint-Nicolas-du-Chardonnay à Paris 1984 à 1997, a plusieurs faits marquants à son actif. Comme d’avoir baptisé en 2023 le quatrième enfant de l’humoriste Dieudonné - dont Jean-Marie Le Pen était le parrain. C’est lui aussi qui maria religieusement Jean-Marie et sa seconde femme Jany, en toute discrétion, à leur domicile de Rueil-Malmaison en 2021. Chaque 23 juillet, il célèbre une messe de requiem pour le maréchal Pétain, raconte Olivier Landron dans son livre À la droite du Christ (Cerf, 2015). 

Prêtre militant

Cette forte personnalité fut l’un des premiers prêtres à être ordonnés au sein de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X par Mgr Marcel Lefebvre, un dissident de l’Église, opposé aux réformes post-concile Vatican II. «Il est issu de cette génération de prêtres très jeunes, hyperactifs, très sûrs d’eux», témoigne l’un de ses anciens paroissiens, qui le dit également «très dévoué à sa mission». «Il passait ses journées entières dans son église». S’il ne s’est jamais déclaré publiquement pro-FN, les fidèles occupant les bancs de Saint-Nicolas-du-Chardonnay étaient nombreux à appartenir à l’extrême droite de l’échiquier politique. «À la sortie de ses messes, on retrouvait le milieu du FN et de l’Action française», raconte encore ce paroissien, évoquant la présence fréquente de Marie-Caroline Le Pen, aînée de la fratrie et aujourd’hui déléguée départementale du Rassemblement national en Sarthe, ou encore du Tarbais Bernard Antony, à l’époque député européen du Front national.

C’est justement aux côtés de Bernard Anthony que Philippe Laguérie, très militant, appelle à manifester en 1988 contre la sortie du film de Martin Scorsese, La Dernière Tentation du Christ, jugé «blasphématoire». En 1993, il tente aussi, avec l’aide de quatre cents fidèles, d’occuper l’église Saint-Germain-l’Auxerrois, dans le 1er arrondissement parisien, en s’y introduisant plusieurs jours durant. Avant d’en être chassés par la police. Quinze ans auparavant, c’est par la même méthode que les Lefebvristes avaient pris possession de Saint-Nicolas-du-Chardonnay.

Dans les années 2000, le prêtre prend ses distances avec la fraternité sacerdotale Saint-Pie X, dont il est finalement exclu. En septembre 2006, à la faveur d’un climat favorable du pape Benoît XVI envers les adeptes de la liturgie tridentine autour du motu proprio «Summorum Pontificum», l’abbé Laguérie est nommé supérieur d’un nouvel Institut, le Bon-Pasteur. Il réintègre donc l’Église catholique, et fera deux mandats à la tête de cet institut.

La contradiction dans l’ADN

Est-ce son côté disruptif qui plaît à Jean-Marie Le Pen, lui qui avait pris ses distances avec l’Église catholique depuis l’âge de 16 ans ? «Ce sont des personnalités proches dans le combat, ils ont tous deux l’opposition et la contradiction dans l’ADN. Peut-être Le Pen s’est-il reconnu dans cet état d’esprit militant», suggère le paroissien.

En 1987, quand Jean-Marie Le Pen suscite un scandale par des propos négationnistes sur les chambres à gaz nazies, l’abbé est invité à débattre sur la 5 à la télévision française. il prend alors la défense du président du Front national. «Tout le flot de haine qui est dirigé contre Jean-Marie Le Pen, affirme-t-il, est suscité, organisé, par la grande banque juive qui tient la France en dictature depuis quarante-cinq ans», estime-t-il, précisant par ailleurs que «les thèses des professeurs Roques et Faurisson sont parfaitement scientifiques». En 2009, il s’opposera pourtant à un cardinal révisionniste, Mgr Richard Williamson, qui affirmait qu’il «n’y a pas eu de chambres à gaz». Philippe Laguérie jugera ces déclarations «scandaleuses et inadmissibles».

Celui qui présida, en juillet 1996, la messe d’obsèques de Paul Touvier, ancien chef de la Milice lyonnaise sous l’Occupation allemande et condamné pour crimes contre l’humanité pour l’exécution de sept Juifs, sera-t-il aussi sollicité pour celles de Jean-Marie Le Pen ? Pour l’heure, le nom du prêtre qui présidera la cérémonie n’a pas été ébruité.