Attaques contre Obama, plainte contre la presse, blocage du Congrès… Comment Donald Trump, empêtré dans l'affaire Epstein, tente d'éteindre l'incendie

Il part se mettre au vert. Donald Trump s'éloigne de la tempête de l'affaire Epstein pour une courte visite en Ecosse, à partir du vendredi 25 juillet. Le président américain est empêtré dans ce dossier depuis le début du mois. En cause, sa volte-face, appuyée par son administration, dans cette affaire sordide de pédocriminalité et de trafic sexuel de mineures. Après avoir promis pendant toute sa campagne vérité et transparence sur la mort du magnat Jeffrey Epstein, qui s'est suicidé en prison en 2019, Donald Trump a tenté de refermer le dossier en faisant publier par sa ministre de la Justice, début juillet, un rapport enterrant la théorie d'une liste de clients du criminel sexuel qui serait cachée au grand public. De quoi faire bondir sa base "Maga" ("Make America Great Again", "rendre sa grandeur à l'Amérique" en français) complotiste, qui l'accuse de vouloir étouffer l'affaire.

Tout en traitant ces supporters de "stupides", le président républicain et son équipe font tout pour éteindre l'incendie en allumant des contre-feux.

Le "Wall Street Journal", visé par une plainte pour diffamation, interdit de séjour dans l'avion présidentiel

Le bras de fer entre Donald Trump et le quotidien américain se poursuit. La Maison Blanche a retiré le Wall Street Journal de la liste des médias qui voyageront dans l'avion présidentiel ce week-end, après un article du journal sur les liens entre Donald Trump et le délinquant sexuel.

Cet article apporte une preuve de plus de la relation entre Donald Trump et Jeffrey Epstein, via une lettre salace adressée au riche financier en 2003 à l'occasion de son 50e anniversaire. Elle est accompagnée d'un dessin obscène de femme nue, avec la signature gribouillée du futur président. Comme le souligne le New York Times , Donald Trump a publié sur son réseau Truth Social un certain nombre de messages qui s'inscrivent dans le cadre d'une procédure bien rodée de réponse aux informations qu'il désapprouve : nier, attaquer et menacer de poursuivre en justice.

Il a effectivement attaqué en diffamation le WSJ, lui réclamant 10 milliards de dollars. Mais le quotidien a publié de nouvelles révélations mercredi, selon lesquelles le président a été prévenu en mai par sa ministre de la Justice, Pam Bondi, que son nom apparaissait à plusieurs reprises dans les dossiers de l'affaire Epstein. De quoi éclairer la décision de publier un rapport écartant la thèse du chantage, du complot ou de la compromission des élites. Le Wall Street Journal a par ailleurs affirmé qu'il "se défendrait vigoureusement" face à Donald Trump.

Le ministère de la Justice prié de publier des documents judiciaires pour calmer les partisans de Donald Trump

De nombreux partisans de Donald Trump ont ouvertement flirté avec la révolte. Ainsi, pour éteindre l'incendie qu'il a contribué à allumer, le président américain a ordonné à sa ministre de la Justice de rendre publics tous les témoignages "pertinents" recueillis dans le cadre de cette affaire par le grand jury, une commission de citoyens investie de pouvoirs d'enquête. Pam Bondi a demandé à un tribunal fédéral d'autoriser la publication des documents judiciaires ayant conduit à l'inculpation de Jeffrey Epstein pour trafic sexuel de mineures en 2019. Mais un juge fédéral de Floride a rejeté la demande de l'administration mercredi.

Pour contourner cette décision, le ministère de la Justice a annoncé vouloir interroger Ghislaine Maxwell, ex-compagne et complice de Jeffrey Epstein. Condamnée en 2022 à 20 ans de prison pour trafic sexuel, elle est accusée d'avoir été la "rabatteuse" de Jeffrey Epstein en recrutant entre 1994 et 2004 des jeunes filles mineures pour qu'il les exploite sexuellement. "Pour la première fois, le ministère de la Justice s'adresse à Ghislaine Maxwell pour lui demander : que savez-vous?", a écrit sur X Todd Blanche, le numéro deux du ministère.

L'avocat de Ghislaine Maxwell, David Oscar Markus, a confirmé sur le réseau social être en contact avec le ministère, ajoutant que "Ghislaine témoignera[it] toujours sincèrement". Faut-il y voir, là encore, une volte-face ? Le ministère de la Justice s'était en effet opposé, mi-juillet, à un recours de Ghislaine Maxwell devant la Cour suprême pour obtenir l'annulation des poursuites ayant débouché sur sa condamnation.

Des attaques contre l'ancien président démocrate Barack Obama, à coups d'image réalisée avec l'IA

Depuis l'éclatement de la colère au sein de sa base "Maga", le président républicain tente de la rediriger vers l'ex-président démocrate Barack Obama. Alors qu'il recevait son homologue philippin dans le Bureau ovale, mardi, le milliardaire républicain s'est lancé dans des diatribes virulentes, dépeignant son prédécesseur en "chef de gang" qui "tentait de monter un coup d'Etat", et allant jusqu'à l'accuser de "trahison". "Voilà ce dont vous devriez réellement parler", a-t-il lancé aux journalistes présents.

Dimanche, déjà, Donald Trump avait diffusé sur son réseau Truth Social une vidéo vraisemblablement générée par intelligence artificielle, montrant l'arrestation du premier président noir des Etats-Unis par des agents du FBI dans le Bureau ovale.

Ce contre-feu est alimenté par son administration. Vendredi, la directrice du renseignement national, Tulsi Gabbard, avait publié un rapport accusant Barack Obama de "complot" en lien avec les accusations d'ingérence russe dans la campagne victorieuse de Donald Trump en 2016. L'entourage de l'ancien président est sorti de sa réserve habituelle pour dénoncer des allégations "saugrenues" et "ridicules". "Quand vous n'avez rien à présenter de concret aux Américains, les républicains font porter le chapeau à Barack Obama. C'est ridicule", a fustigé le chef de la minorité démocrate à la Chambre des représentants, Hakeem Jeffries.

Le vote d'une résolution à la chambre des représentants bloqué par les républicains

La polémique Epstein va jusqu'à paralyser la Chambre des représentants des Etats-Unis. Le président républicain de la chambre basse du Congrès, Mike Johnson, fait en sorte de bloquer tout vote sur une résolution soumise par un élu de son propre camp, Thomas Massie, qui appelle à la publication des documents judiciaires sur Jeffrey Epstein. Signe du malaise au sein du camp présidentiel, les démocrates ont en effet réussi à convaincre plusieurs républicains de voter pour enjoindre au ministère de la Justice de publier ces documents.

Dénonçant une "mascarade politicienne" des démocrates, Mike Johnson soutient qu'une publication sans filtre mettrait en danger les victimes des crimes imputés à Jeffrey Epstein. Il a démenti, mercredi devant la presse, toute tentative d'étouffer l'affaire et a dénoncé une opposition démocrate "sans vergogne" qui veut, selon lui, "instrumentaliser cette question", alors qu'ils auraient pu publier ces documents lorsqu'ils étaient au pouvoir ces quatre dernières années.

Le blocage imposé par le "speaker" signifie que les travaux de la chambre basse sont en grande partie au point mort depuis plusieurs jours. Disposé à botter en touche jusqu'en septembre, Mike Johnson a aussi décidé d'avancer d'un jour les vacances d'été des députés.