En Antarctique, des scientifiques espèrent lever les mystères du climat en forant des glaces vieilles de 1,2 million d’années
Arracher au continent blanc des glaces âgées de plus de 1 million d’années, un exploit qu’une équipe internationale vient de réaliser. Le 9 janvier 2025, l’équipe du programme européen Beyond Epica, qui regroupe dix pays dont la France, a annoncé avoir réussi à forer la calotte antarctique jusqu’au socle rocheux pour en extraire 2 800 mètres de carottes glaciaires. Une fois analysés en laboratoire, ces échantillons permettront de reconstituer l’histoire du climat et de l’atmosphère de la Terre sur les 1,2 million dernières années, là où le plus long enregistrement disponible était limité à 800 000 ans.
L’idée n’est pas de battre des records, mais de tenter d’expliquer un épisode climatique connu sous le nom de « transition du mi-pléistocène » (MPT), qui vit, il y a entre 900 000 ans et 1,2 million d’années, le rythme des cycles glaciaires et interglaciaires passer pour une raison indéterminée de 41 000 ans à 100 000 ans. Les chercheurs savent depuis longtemps que de petites variations de l’orbite terrestre pilotent l’entrée et la sortie de notre planète dans les âges glaciaires.
1,2 million d’années d’archives climatiques
À cela près que, explique Amaelle Landais, directrice de recherche CNRS au LSCE (Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement), « la période du MPT n’a pas coïncidé avec ces changements ». D’où une hypothèse voulant qu’une chute de la concentration en gaz carbonique de l’atmosphère depuis des niveaux proches de ceux de l’époque industrielle ait pu provoquer le phénomène. L’espoir de l’équipe de Beyond Epica est qu’en testant cette théorie il leur sera possible d’obtenir des informations sur le climat actuel et le réchauffement de la planète en cours.
L’analyse des bulles d’air piégées dans la glace étant la seule technique connue pour accéder directement aux taux de CO2 du passé, ces scientifiques ont concentré leurs recherches sur le plateau antarctique, où, au terme de cinq années d’efforts passées à cartographier la calotte sur plus de 4 000 kilomètres à l’aide de radars, ils ont fini par identifier un site à même de livrer des échantillons suffisamment anciens.
« Placée dans les environs de Little Dome C, un dôme de glace s’élevant à 3 230 mètres d’altitude à 35 kilomètres de la station franco-italienne de Concordia, cette zone isolée a été équipée en 2019 par les logisticiens de l’Institut Paul-Émile-Victor et du Programme national de recherche antarctique (PNRA) italien de modules de vie et de tentes », raconte Frédéric Parrenin, directeur de recherche CNRS à l’Institut des géosciences de l’environnement (IGE) à Grenoble.
C’est là que 16 scientifiques et logisticiens, dont plusieurs Français, ont été envoyés, le 17 novembre 2024, avec pour instruction de reprendre le forage là où il avait été stoppé à la fin de la saison précédente : à 1 836 mètres de profondeur sur des niveaux de glaces âgées de 190 000 ans. Une mission dont ils se sont acquittés brillamment car, après un mois à travailler par -35 °C, ils ont pu extraire, à 2 425 mètres, leur première carotte de plus de 800 000 ans.
Depuis, ces explorateurs ont continué à creuser, emmagasinant un total de 1,2 million d’années d’archives climatiques avant de traverser, sur les 200 mètres précédant le socle rocheux, des glaces beaucoup plus anciennes mais impossibles à dater sur place. De quel âge ? Réponse dans quelques mois quand les précieux échantillons auront commencé à être analysés en Europe. Pas moins de quatre laboratoires français du CNRS, du CEA et d’universités participeront à cette opération, qui pourrait révolutionner les connaissances sur le climat.
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