Des billets plus chers pour les étrangers, une salle dédiée pour « la Joconde », un recours au mécénat : Macron s’offre sa « nouvelle Renaissance » avec le Louvre

Avec son intervention, Emmanuel Macron a tenté de redorer son image sur les ruines du Louvre. Le président de la République a annoncé, mardi 28 janvier, un vaste plan pour adapter le musée le plus visité au monde à une fréquentation massive. À la manière de ce qu’il a entrepris avec la restauration de la cathédrale Notre-Dame, le chef d’État, plus isolé que jamais, souhaite transformer la rénovation du Louvre en un élément majeur de son héritage.

C’est ainsi qu’Emmanuel Macron a dévoilé, avec le chef-d’œuvre de Léonard de Vinci en arrière-plan, un plan baptisé « Nouvelle Renaissance du Louvre » – en référence au mouvement dont le peintre italien fut l’un des chefs de file et à son propre parti, éponyme. Deux axes majeurs se dégagent : la création d’une nouvelle entrée, à l’issue d’un concours d’architecture, et d’un espace dédié à la Joconde d’ici 2031.

Un « titre d’accès propre »

« La création d’une nouvelle grande entrée au niveau de la colonnade de Perrault », sur la façade orientale de l’ancien château, implique la refonte de l’esplanade qui la borde. La mairie de Paris – Anne Hidalgo était présente à l’allocution d’Emmanuel Macron – en a ainsi profité pour annoncer le lancement d’une « réflexion » sur son réaménagement, tout comme la création de nouvelles salles d’exposition sous la cour.

Vient ensuite le second volet du plan : la création d’un « espace particulier » pour la Joconde. Évolution qui aura des répercussions sur les finances des visiteurs : cet espace, « autonome par rapport au reste du musée », sera doté d’un « titre d’accès propre ». Le président de la République a justifié ce choix par l’engouement des 20 000 visiteurs quotidiens qui viennent admirer le tableau, gênant les conditions de visite des espaces environnants.

Ce volet du plan devrait coûter près de 400 millions d’euros, entièrement financé par les ressources propres du musée, grâce à l’argent de l’utilisation de la marque Louvre au musée d’Abou Dhabi et… par des appels au mécénat. Emmanuel Macron et Rachida Dati souhaitent ainsi reproduire, en partie, l’appel aux dons pour Notre-Dame, réalisé auprès de grandes fortunes et d’entreprises. De Bernard Arnault (LVMH), à la famille Meyers-Bettencourt (l’Oréal), les milliardaires et grands groupes (par exemple TotalEnergies) ont pesé sur 85 % des 843 millions d’euros récoltés suite à l’incendie de la cathédrale parisienne.

Le projet est « colossal », s’est enjoué Emmanuel Macron. Selon son entourage, le coût du plan – dans sa totalité – est évalué à environ 700 à 800 millions d’euros sur une dizaine d’années, dont seule une « part très minoritaire » sera financée par l’État. Estimation jugée « improbable » et « folle », par la CGT et SUD Culture, qui évaluent, le coût de tels chantiers « à un milliard d’euros ».

De fait, le palais du Louvre, malgré son importance dans le soft power de l’État français, fait face à une multiplication des signes de vétusté. Les canalisations ne cessent de se briser, des avaries s’enchaînent dans des espaces dégradés, les équipements techniques subissent le poids de l’âge et la fluctuation de la température met en danger l’état des œuvres. De même, la pyramide inaugurée en 1988 par l’ancien président socialiste François Mitterrand, est « structurellement dépassée ». Prévue pour accueillir quatre millions de visiteurs par an, elle en a reçu près de neuf millions en 2024 et dix millions avant la crise sanitaire.

Entre 300 et 400 millions d’euros

La directrice du musée, Laurence des Cars, a tenté d’alerter le gouvernement, avec une note envoyée le 13 janvier dernier à la ministre de la Culture Rachida Dati. Note qui a fuité peu de temps après dans les colonnes du Parisien. De quoi pousser Emmanuel Macron à s’en saisir, au vu de l’ampleur de l’inquiétude qu’a suscité l’affaire.

Outre ses deux annonces qui serviront de façade à son plan, le président de la République a expliqué que le Louvre doit être adapté – sans fermer ses portes – en termes de normes de sécurité, environnementales et de confort. Les travaux devraient s’étendre sur une dizaine d’années et coûter entre 300 et 400 millions d’euros. L’État amorcera la pompe avec dix millions budgétés pour les premières études, dès l’année 2025.

Emmanuel Macron pourrait, cependant, voir ses ambitions être revues à la baisse. Isolé, même au sein de son propre camp – qui n’a toujours pas digéré la dissolution de l’Assemblée nationale -, il ne peut plus dicter ses décisions au gouvernement comme il l’a fait pendant sept ans. De plus, l’austérité budgétaire concoctée par l’exécutif pour le budget 2025 rend difficilement imaginables des investissements massifs de l’État pour réhabiliter le Louvre. « Il n’est évidemment pas question, au moment où nous construisons un budget (…) de maîtrise des dépenses publiques, d’ajouter une ligne de 500 millions comme cela », a par exemple prévenu, lundi 27 janvier, la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, sur le plateau de TF1.

C’est pourquoi le chef de l’État a validé une proposition de Rachida Dati : introduire un billet d’entrée plus cher pour les étrangers non-membres de l’Union européenne dès le 1er janvier 2026. Le gouvernement espère que cette tarification différenciée rapporte une vingtaine de millions supplémentaires par an. Il faut, pour atteindre cet objectif, que l’entrée soit fixée à 30 euros et que la fréquentation atteigne les 12 millions de visiteurs annuels. Et ce, alors que les travaux devraient, donc, débuter dans les années à venir.

Surtout, ces annonces interviennent dans une période de trouble pour le secteur culturel, victime de baisses considérables de ses budgets au niveau national comme local. Par exemple dans l’Hérault, où une baisse de 100 % a été annoncée par les dirigeants socialistes du département. Mais loin de se restreindre au Louvre, Emmanuel Macron a confié vouloir appliquer ce billet différencié à « d’autres musées ou monuments » en France. Après Notre-Dame, c’est donc au retour du musée du Louvre de servir de test.

Avant de partir, une dernière chose…

Contrairement à 90% des médias français aujourd’hui, l’Humanité ne dépend ni de grands groupes ni de milliardaires. Cela signifie que :

  • nous vous apportons des informations impartiales, sans compromis. Mais aussi que
  • nous n’avons pas les moyens financiers dont bénéficient les autres médias.

L’information indépendante et de qualité a un coût. Payez-le.
Je veux en savoir plus