Rhétorique de la modération, girouettisme et autoritarisme : la Macronie, du centre à l’extrême centre

Il y en a à gauche, il y en a à droite… Mais s’il existait également des extrémistes situés au « centre » de la vie politique française ? C’est le postulat de l’historien Pierre Serna, spécialiste de la Révolution française et chroniqueur pour l’Humanité magazine, qui a théorisé dès 2005 ce qu’il appelle « l’extrême centre », dont Emmanuel Macron est, selon lui, le nouvel avatar.

Le président de la République lui-même s’est d’ailleurs présenté, en avril 2022, comme le porteur d’un « projet d’extrême centre ». Mais de quoi s’agit-il ?

« Girouettisme » de l’extrême centre

« L’extrême centre s’articule autour de trois éléments fondamentaux : premièrement, une rhétorique qui se prétend modérée, pragmatique et qui cherche à surplomber et exclure de l’échiquier politique les forces de droite et de gauche au motif qu’elles n’auraient aucune intelligence du réel », démarre l’historien.

Emmanuel Macron cherche d’ailleurs à diaboliser « les extrêmes » mises dans un même panier, c’est-à-dire l’extrême droite française, et surtout la gauche radicale, présentée par les macronistes comme une « force menaçant la République ».

En plus de ce juste milieu arbitrairement proclamé, l’extrême centre se caractérise également par son « girouettisme », mesure l’historien. Véritables caméléons politiques, ses membres « veulent à tout prix conserver le pouvoir, ce qui fait qu’ils ont de moins en moins de principes, de moins en moins d’idéologie », ce qui les amène à changer de positions selon ce qu’ils estiment être le sens du vent.

Conserver les privilèges de quelques-uns

Soit exactement ce qu’Emmanuel Macron, qui ne cesse de se dédire, fait depuis sept ans, fustigeant par exemple le discours sur l’immigration de la droite un jour avant de l’adopter le lendemain, prônant qu’un président doit tirer sa légitimité de l’Assemblée nationale en 2019 avant de multiplier les 49.3 ensuite, pour finir pas s’asseoir sur le résultat des élections législatives de 2024 parce que l’arrivée en tête du Nouveau Front populaire (NFP) ne lui convient pas.

C’est ici que se dévoile le troisième pilier constitutif de l’extrême centre, dont Napoléon est l’un des plus parfaits représentants historiques : « L’usage du pouvoir exécutif de la façon la plus arbitraire et abusive qui soit ». Emmanuel Macron, qui a passé son temps à essayer de soumettre le Parlement et la représentation nationale à ses volontés, qui malmène les mobilisations démocratiques, écologiques et sociales à travers un usage dévoyé des forces de police, tord au maximum nos institutions et se livre à de nombreux dénis démocratiques, sur la réforme des retraites ou en nommant Michel Barnier puis François Bayrou à Matignon plutôt que Lucie Castets.

Surgissant en temps de crise, se parant de rationalité technocratique pour mieux noyer le débat politique, l’extrême centre prétend gouverner sans idéologie mais « mène en réalité la barque d’un libéralisme sans frein », alerte Pierre Serna. Sa seule boussole, autre que garder son pouvoir, est de conserver les privilèges de quelques-uns. Les macronistes, aussi souples soient-ils sur certains sujets, se sont radicalisés et s’arc-boutent sur la question d’une fiscalité minimale pour les plus riches alors que les inégalités explosent et que les déficits de l’État se creusent…

À lire : L’Extrême centre ou le poison français, de Pierre Serna, aux éditions Champ Vallon, 296 pages, 20 euros.

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