Festival de Cannes 2025 : Julia Ducournau brigue une seconde Palme d'or avec "Alpha", un exercice de style un peu vain sur les années sida
Après Titane, Palme d'or en 2021, Julia Ducournau est de retour à Cannes avec un troisième long-métrage présenté lundi 19 mai en compétition. Avec Alpha, la réalisatrice de 41 ans connue pour son cinéma de genre revisite les années sida à travers l'histoire d'un trio familial. Le film sortira dans les salles le 20 août.
Le film s'ouvre sur une tempête de sable. Puis, on pénètre dans les failles d'un paysage aride, et quand on en ressort, la terre s'est transformée en peau. La peau d'un bras constellé d'ulcérations qu'une petite fille relie par des points avec un feutre noir. "Comme ça, c'est plus joli", dit-elle. "Je crois que j'ai attrapé quelque chose", dit l'homme à qui appartient ce bras, ouvrant sa main sur une coccinelle.
Alpha (Mélissa Boros), une adolescente de 13 ans, vit seule avec sa mère médecin (Golshifteh Farahani). Au cours d'une fête, la jeune fille se fait tatouer un "A" sur le bras. Sa mère, inquiète, l'emmène faire des analyses de sang. Un virus dont on tait encore le nom a commencé à tuer ceux qui l'ont contracté. Quelques jours plus tard, Alpha découvre Amin (Tahar Rahim), son oncle, installé sur un matelas sur le sol de sa chambre. Une autre vie commence pour le trio.
Dans ce trio, la maman n'a pas de nom. Elle est une figure de mère, un rempart, seule pour aider sa fille à grandir, et pour sauver encore et encore son frère Amin, accro à l'héroïne, à tendance suicidaire. Le scénario navigue entre la sphère intime de la famille et l'extérieur, l'hôpital, l'école, où se répand la peur de la contamination. Alpha est confrontée à l'ostracisme de ses camarades, la maman médecin aux abandons de poste dans le service qui accueille les malades.
Le récit est déployé dans deux temporalités : Alpha à 5 ans, Alpha à 13 ans. Ces deux temporalités s'entrecroisent, se chevauchent, se percutent parfois dans la même séquence. Une construction plutôt juste pour traduire le regard d'un enfant sur le monde qui l'entoure, exprimer ce qu'il perçoit, mais aussi la manière dont les événements s'imprégneront plus tard dans sa mémoire, avec les oublis, les réinterprétations, les réinventions, les réminiscences, tout cela aboutissant à une certaine confusion temporelle et spatiale.
La réalisatrice nous plonge dans l'atmosphère destroy des années 1980, les cités et la drogue, et aussi, et on ne comprend pas très bien pourquoi, dans l'intimité d'une famille immigrée, dans laquelle on soigne les maléfices du "vent rouge" en aspergeant de l'eau sur les sujets contaminés. Une manière, peut-être, de donner la mesure de la peur irrationnelle générée par l'arrivée d'un virus dont on ne sait rien si ce n'est qu'il tue.
De marbre
Avec ce troisième long-métrage, Julia Ducournau poursuit son exploration obsessionnelle du corps, qu'elle filme comme un sujet concret, charnel – un grain de peau, du sang qui dégouline, des chairs traversées par des seringues plantées dans les bras, dans le ventre, dans les doigts, selon les besoins. Mais aussi fantasmagorique : le corps des malades du sida prend ici la forme de sculptures d'albâtre. Des corps vidés de leur sang, de leurs couleurs, chairs asséchées, gagnées par l'effritement.
La réalisatrice propose un regard singulier, très personnel, presque plastique, sur le sida, un sujet rarement évoqué frontalement au cinéma. Dans une mise en scène organique, sensorielle, le film revient dans un propos un peu scolaire sur cette époque marquée par l'ignorance, la peur, la paranoïa, l'ostracisme, l'homophobie. "Je crois que j'ai attrapé quelque chose", répète Amin, ouvrant cette fois la main sur du vide.
Avec un scénario qui finit par tourner en rond, ce troisième film de Julia Ducournau nous raconte davantage l'enfer de l'addiction à l'héroïne et le courage d'une femme pour garder son frère en vie, que les années tragiques du sida. Malgré les performances remarquables de Golshifteh Farahani, Mélissa Boros et Tahar Rahim (qui a perdu 20 kg pour le rôle), cet exercice de style purement formel, sans la radicalité de Titane, ne parvient pas à nous émouvoir.
/2025/05/19/affiche-alpha-682b690c40904732947295.jpg)
La fiche
Genre : Drame
Réalisation : Julia Ducournau
Avec : Mélissa Boros, Tahar Rahim, Golshifteh Farahani
Pays : France
Durée : 2h08
Sortie : 20 août 2025
Distributeur : Diaphana Distribution
Synopsis : Alpha, 13 ans, est une adolescente agitée qui vit seule avec sa mère. Leur monde s'écroule le jour où elle rentre de l'école avec un tatouage sur le bras.