François Bayrou veut soumettre sa cure d’austérité à un référendum
François Bayrou est obsédé par la bonne tenue des finances publiques. Au point de vouloir faire partager sa passion aux Français : il envisage la convocation d’un référendum afin qu’ils approuvent une baisse drastique de la dépense publique. « Il faut un plan complet de retour à l’équilibre » des comptes, fait-il valoir dans un entretien au Journal du dimanche, publié samedi 3 mai. D’ici quelques années, « le seul service de la dette – c’est-à-dire les intérêts annuels – pourrait atteindre 100 milliards d’euros », alerte-t-il, soit les « budgets de l’Éducation nationale et de la Défense réunis ».
Pour l’élu béarnais, le thème n’est pas nouveau. Il l’a porté dans ses trois campagnes présidentielles. Et, lors de sa déclaration de politique générale en janvier dernier, il appelait encore à un sursaut sur le sujet : « Tous les partis dits de gouvernement ont une responsabilité dans la situation créée ces dernières décennies » mais aussi « tous les partis d’opposition » qui, « demandant sans cesse des dépenses supplémentaires, ont dansé aussi le tango fatal qui nous a conduits au bord du précipice ».
Obtenir « l’adhésion des Français »
Aussi entend-il revenir, à l’horizon de quatre ans, « sous la barre des 3 % (du PIB) de déficit ». Il était de 5,8 % l’an passé. Pour cela, l’économie à réaliser est de l’ordre de « 40 milliards » d’euros, projette-t-il, en partie en révisant à la baisse les effectifs de fonctionnaires. En ligne de mire, également, la Sécurité sociale. Lors de sa déclaration de politique générale en janvier, François Bayrou avait estimé que la moitié du déficit de l’État était imputable au système de retraite.
En soumettant ce plan de réforme à un référendum, il ne vise rien de moins qu’à obtenir « l’adhésion des Français » à un « plan d’ensemble » qui « demandera des efforts à tout le monde ». La proposition de référendum est d’ores et déjà une entreprise idéologique pour promouvoir la doxa libérale auprès des Français.
L’objectif est de débloquer la situation à l’Assemblée, où sa très minoritaire majorité, le « socle commun » qui comprend les macronistes et « Les Républicains », ne compte que 211 députés sur 577. C’est une manière de mettre la pression sur ses alliés, mais également sur l’extrême droite dont il aura besoin pour faire adopter le budget à l’automne.
Avec le bloc central, le Rassemblement national, qui avait proposé en octobre dernier 15 milliards de coupes budgétaires, partage l’idée d’une baisse de la dépense publique. Depuis 2022, les lois de finances passent par le truchement de l’utilisation de l’article 49.3. Le référendum est aussi l’occasion de contester ce qui pourrait sortir du conclave sur la réforme des retraites, qui devrait rendre ses travaux en juin prochain.
Une telle consultation ne peut être convoquée que par le président de la République sur proposition du gouvernement ou des deux Chambres du Parlement. Le référendum pourrait donc ne jamais être organisé. Rappelons que, dès sa campagne de 2017, Emmanuel Macron avait envisagé de consulter le peuple sur des points de son programme. Depuis ce début d’année, il a déjà envisagé un référendum sur la fin de vie, sur l’interdiction des réseaux sociaux aux mineurs, sur le travail (sans qu’on sache bien de quoi il retourne). Le président n’a pas pour l’instant écarté l’offre de son chef de gouvernement, mais il n’a pas non plus fait connaître son emballement. « Le premier ministre évoque un plan de réformes et d’économies et il est difficile de dire quoi que ce soit tant que ce plan n’est pas présenté », a confié l’un de ses proches à l’AFP.
« Le refus d’augmenter les impôts des hyperriches et grands groupes »
Du côté de la gauche, on prône de longue date une tout autre façon de rééquilibrer les comptes publics : les amendements du NFP à l’automne avaient permis d’obtenir 58 milliards d’euros de recettes supplémentaires avant que macronistes, la droite et le RN ne refusent le 12 novembre de voter la partie recette du budget. Pour la députée Écologiste et social Clémentine Autain, la proposition de François Bayrou traduit « encore le refus d’augmenter les impôts des hyperriches et grands groupes économiques, sous couvert d’un générique « la solution n’est pas de nouveaux impôts » ».
Avec la limitation de la dépense publique, l’autre obsession de François Bayou est de durer à son poste. Son sort est suspendu au vote du budget 2026, à l’automne. Aussi craint-il l’Assemblée autant qu’une poule un renard. Faute de majorité, son gouvernement ne soumet aucun projet de loi structurant au débat. Et sa proposition de référendum sur un ensemble de réformes n’est qu’un moyen de plus de contourner le Parlement.
Cette pratique a été dénoncée, dès dimanche, par le président (LFI) de la commission des Finances de l’Assemblée Éric Coquerel : « La normalité dans une démocratie parlementaire, c’est que l’Assemblée nationale vote le budget. » Le sénateur socialiste Thierry Cozic a, lui, rappelé que huit ans de macronisme ont conduit à « 1 300 milliards de dette supplémentaire ». Selon ce parlementaire, « le référendum dont parle François Bayrou a eu lieu en juillet dernier, et les résultats étaient sans appel : près de 100 députés en moins pour le parti présidentiel ».
Il est une autre obsession de François Bayrou : « Nous produisons moins que nos voisins », déplore-t-il dans le Journal du dimanche. Ce n’est pas selon lui le fait du coût du capital, alors que les trusts du CAC 40 ont versé des dividendes record de 70 milliards d’euros en 2024. La faible production est, selon le premier ministre, le fruit d’une trop forte bureaucratisation. Il avait envisagé lors de sa déclaration de politique générale en janvier de nouvelles « simplifications, suppressions et allègements d’obligations utiles ». Autrement dit : lâcher la bride aux directions d’entreprise en matière sociale ou environnementale.
En bon centriste, François Bayrou n’est pas à une contradiction près : la France ne produit pas assez, mais, dans l’entretien qui s’étale sur trois pages, les suppressions d’emploi chez Vencorex ou ArcelorMittal, qu’il laisse faire, ne sont pas abordées. Son attitude est en toute cohérence avec la solution qu’il livrait le 15 avril dernier lors de la conférence sur les finances publiques : « Nous ne travaillons pas assez. » Aux salariés, enfin ceux qui ont encore la chance d’avoir un emploi, de payer.
Le média que les milliardaires ne peuvent pas s’acheter
Nous ne sommes financés par aucun milliardaire. Et nous en sommes fiers ! Mais nous sommes confrontés à des défis financiers constants. Soutenez-nous ! Votre don sera défiscalisé : donner 5€ vous reviendra à 1.65€. Le prix d’un café.
Je veux en savoir plus !