Le Festival de Cannes face aux guerres et aux massacres : l'info de l'histoire du 17 mai

Cannes et la guerre, c’est une longue histoire, puisque la naissance même du festival, qui devait voir le jour en 1939, a été entravée par l’éclatement de la Seconde Guerre mondiale. Il faut attendre 1946, et la paix retrouvée, pour que se tienne enfin la première édition. Et, cette année-là déjà, un film parlant de la guerre qui venait de s’achever est primé : Rome, ville ouverte, de Roberto Rossellini. On y vivait le drame de la Résistance et les exécutions sommaires des derniers jours de la guerre. Depuis, de grands films ont illustré le lien entre le festival et la guerre.

Le plus emblématique est Apocalypse Now, de Francis Ford Coppola, primé en 1979. C’était la deuxième Palme d'or pour ce réalisateur, qui livrait une vision de la guerre du Vietnam, absurde et sanglante. On se souvient de cette charge d’hélicoptères au son de La Chevauchée des Walkyries. Ce chef-d'œuvre a fait l’objet d’un consensus.

Il n’en ira pas de même vingt ans plus tard pour Emir Kusturica et son film Underground. C’est une histoire à raconter en deux temps. D'abord celui du triomphe, quand Jeanne Moreau, présidente du jury, annonce son sacre. C'est, pour Kusturica aussi, une deuxième Palme d'or, après Papa est en voyage d’affaires (obtenue en 1985). Nous sommes le 29 mai 1995.

Mais dès le lendemain vient la deuxième étape : celle de la polémique. Le philosophe Alain Finkielkraut attaque le jury et le cinéaste. Il reproche au jury d'avoir été ému par le massacre de civils bosniaques à Tuzla le 25 mai, tout en primant un réalisateur qui soutient le gouvernement du dictateur serbe Milosevic, dont les troupes sont les auteurs du crime. Un autre philosophe, Bernard-Henri Lévy, reprend cette critique, bien qu'aucun des deux hommes n'ait encore vu le film. En octobre, Underground sort en salle, et Kusturica lance une violente charge contre les deux intellectuels, suivie d'une réponse non moins brutale de Finkielkraut.

Cette polémique illustre bien la sensibilité du festival – et du monde du cinéma – au contexte historique et aux massacres. Une réalité que nous pouvons encore constater aujourd'hui.