Guerre au Proche-Orient : on vous explique ce qu'est le projet polémique de colonie israélienne E1, qui couperait la Cisjordanie en deux
La Cisjordanie sera-t-elle bientôt coupée en deux ? Le ministre israélien d'extrême droite Bezalel Smotrich a appelé, mi-août, à accélérer un projet clé de construction de plusieurs milliers de logements et à annexer ce territoire palestinien occupé par l'Etat hébreu. Selon des opposants au plan, des discussions doivent avoir lieu mercredi 20 août au sein d'un comité dépendant du ministère de la Défense. Franceinfo vous en dit plus sur ce plan qui suscite de vives critiques à travers le monde.
Un programme de construction de plus de 3 400 logements à l'est de Jérusalem
Le projet de colonisation en question est baptisé "E1", du nom de la zone dans laquelle il se situe. Il consisterait en "un total de 3 412 logements à construire" sur "une zone de 12 kilomètres carrés (...) annexée à la municipalité de Maalé Adoumim" à une dizaine de kilomètres à l'est de Jérusalem, détaille le quotidien israélien Haaretz.
La construction de ces logements créerait une ligne contiguë de colonies juives, depuis le centre de la Cisjordanie jusqu'à Jérusalem, et couperait ainsi le territoire en deux, entre le nord et le sud. Les détracteurs de ce projet craignent donc qu'il empêche définitivement la création d'un éventuel Etat palestinien disposant d'une continuité territoriale. Aujourd'hui, environ trois millions de Palestiniens vivent en Cisjordanie, aux côtés de près de 500 000 Israéliens installés dans des colonies, illégales au regard du droit international.
Selon l'ONG israélienne anti-colonisation, La Paix maintenant, un accord final au plan doit être discuté mercredi par un comité technique dépendant du ministère de la Défense. Le projet pourrait ensuite "être mis en place d'ici quelques mois avec des constructions dans un an environ", a-t-elle assuré à l'AFP. L'ONG affirme que ce comité a déjà rejeté toutes les objections légales au projet.
Une réponse à la reconnaissance potentielle d'un Etat palestinien
Le projet de construire une colonie israélienne dans la zone E1 n'est pas nouveau. Lancé au début des années 1990, il a régulièrement été remis à plus tard en raison des pressions des alliés occidentaux d'Israël, rappelait en 2023 The Times of Israël. Benyamin Nétanyahou avait déjà voulu relancer le projet en 2012.
Le ministre des Finances israélien d'extrême droite, Bezalel Smotrich, également chargé du développement des colonies, l'a remis sur la table mi-août en appelant le Premier ministre à annexer la Cisjordanie. Sa déclaration intervient alors que plusieurs pays, dont la France, le Royaume-Uni ou le Canada, ont annoncé envisager de reconnaître un Etat palestinien, à l'occasion de la prochaine Assemblée générale de l'ONU, en septembre.
"Ceux qui veulent aujourd'hui reconnaître un Etat palestinien recevront une réponse de notre part sur le terrain (...) Par des faits concrets : des maisons, des quartiers, des routes et des familles juives qui construisent leur vie", a déclaré Bezalel Smotrich, mi-août, lors d'une visite à Maalé Adoumim.
"Si vous reconnaissez un Etat palestinien en septembre, notre réponse sera l'application de la souveraineté israélienne sur toutes les parties de Judée-Samarie [le nom biblique de la Cisjordanie]."
Bezalel Smotrich, ministre des Finances israélienlors d'une visite à Maalé Adoumim
Si elles se confirment, ces décisions diplomatiques n'auront que peu d'effets immédiats, en raison du refus d'Israël de la création d'un tel Etat auquel aspirent les Palestiniens. Ces derniers ambitionnent de l'établir sur les territoires de Cisjordanie et de Gaza avec comme capitale Jérusalem-Est, partie de la ville annexée illégalement par Israël.
Un projet qui suscite une large condamnation de la communauté internationale
Le projet israélien a été largement dénoncé ces derniers jours. L'Autorité palestinienne basée à Ramallah (Cisjordanie) le "condamne fermement", appelant à "une intervention internationale et des sanctions pour arrêter sa mise en œuvre". "La construction dans la zone 'E1' est une continuation des plans d'occupation visant à anéantir toute possibilité d'établir l'Etat palestinien", a-t-elle affirmé.
Le patron de l'ONU, Antonio Guterres, a averti que ce projet "mettrait fin aux perspectives d'une solution à deux Etats" et "couperait le nord du sud de la Cisjordanie". La cheffe de la diplomatie de l'Union européenne, Kaja Kallas, s'est également montrée très critique, rappelant que le plan "constitue une violation du droit international".
A Berlin, soutien historique d'Israël, le ministère des Affaires étrangères a dit aussi s'opposer "fermement" à cette nouvelle colonie. La France va dans le même sens : "Ce projet ne doit pas voir le jour", écrit sur son site le ministère des Affaires étrangères.