Le président algérien Abdelmajid Tebboune met en garde contre une "irréparable séparation" avec la France

C'est la première fois qu'il s'épanche aussi longuement, et dans un média français, sur la crise qui secoue la France et l'Algérie. Abdelmadjid Tebboune se livre dans les pages de L'Opinion, dimanche 2 février, alors que les tensions sont au plus hauts entre les deux rives de la Méditerrannée. 

Une crise née l'été dernier de la reconnaissance par la France de la souveraineté marocaine sur le Sahara Occidental. Une "grave erreur", selon le dirigeant, qui assure avoir prévenu Emmanuel Macron des risques encourus à l'époque : "vous n'allez rien gagner, et vous allez nous perdre !". Depuis, les relations sont glaciales, et si le président algérien ne ferme pas la porte à une reprise du dialogue, il estime que le "climat est délétère" et que le "dialogue politique est quasiment interrompu", laissant planer le risque d'une "séparation qui deviendrait irréparable".

Bien conscient des difficultés politiques d'Emmanuel Macron et de l'instabilité qui règne en France, Abdelmadjid Tebboune dénonce les "déclarations hostiles" visant son pays, citant Éric Ciotti ou le "petit jeune du Rassemblement National" pour faire référence à Jordan Bardella... Amené à réagir sur les propos de Marine Le Pen qui a déclaré qu'il fallait "faire avec l'Algérie ce que Trump fait avec la Colombie", le président algérien se demande si la figure du Rassemblement national "veut une nouvelle rafle du Vel d'Hiv et parquer les Algériens avant de les déporter", et il cible le ministre de l'Intérieur, coupable de déclarations "incendiaires" à ses yeux, avec cette formule : "tout ce qui est Retailleau est douteux".

L'affaire Boualem Sansal

Emprisonné depuis mi-novembre à Alger, l'écrivain franco-algérien cristallise les tensions depuis deux mois. Pour Abdelmadjid Tebboune, "Boualem Sansal n'est pas un problème algérien, c'est un problème pour ceux qui l’ont créé", observe-t-il de manière assez énigmatique, estimant qu'il n'a "pas livré tous ses secrets". "Sansal n'est français que depuis cinq mois, il est d'abord algérien depuis 74 ans", poursuit-il comme pour justifier les refus de visites consulaires, et le traitement infligé à l'écrivain, gravement malade. "Il est pris en charge par des médecins et sera jugé dans le temps judiciaire imparti", élude le président Tebboune, qui balaie l'éventualité d'une grâce pour raisons de santé. "Je ne peux présager de rien", dit le président algérien, bien conscient de disposer de ce pouvoir, mais manifestement décidé à rester maître du calendrier, et à ne pas céder un pouce de terrain à Paris, en tout cas sans contreparties.