"Arrêtons l'hystérie" : les entreprises françaises en Algérie payent le prix fort des tensions diplomatiques

Les relations sont toujours glaciales entre Paris et Alger. Elles se sont détériorées, ces dernières semaines, avec les déclarations des politiques français sur l'accord franco-algérien de 1968 sur les titres de séjour mais aussi avec l'arrestation de plusieurs influenceurs algériens en France. L'écrivain français Boualem Sansal, lui, est toujours derrière les barreaux en Algérie.

La situation était déjà extrêmement tendue depuis cet été et l'annonce du soutien de Paris au plan d'autonomie marocain au Sahara occidental, théâtre d'un conflit depuis un demi-siècle entre le Maroc et les indépendantistes sahraouis du Front Polisario, soutenus par Alger. Et cette situation diplomatique a des répercussions sur les échanges commerciaux et l'activité des entreprises françaises en Algérie. Certaines tournent au ralenti voire sont totalement à l'arrêt.

"Chacun y va de sa petite déclaration"

La crise diplomatique actuelle le met très en colère. Michel Bisac, le président de la Chambre de commerce algéro-française, en appelle à la responsabilité des politiques : "Arrêtons l'hystérie. Chacun y va de sa petite déclaration pour savoir comment on va lutter contre l'Algérie. On est dans l'électoralisme le plus basique."

L'usine Renault a Oran, qui a produit jusqu'à 60 000 véhicules il y a cinq ans, est aujourd'hui totalement à l'arrêt après avoir connu de gros ralentissements entre-temps. Moins de 3 000 véhicules sont sortis de l'usine depuis deux ans.

Une situation que regrette Michel Bisac, alors que Renault se dit prêt à redémarrer : "Renault a fait le nécessaire pour se mettre aux nouvelles normes imposées par le gouvernement algérien et donc, ils sont en attente de l'autorisation. Il faudrait que les politiques français prennent conscience de la réalité de la relation."

"C'est une relation compliquée, mais c'est une relation qu'on ne peut pas arrêter du jour au lendemain. Ou alors, on s'assoit sur l'ensemble des échanges qui existent et ça n'est pas possible aujourd'hui."

Michel Bisac

à franceinfo

"Beaucoup d'Algériens et de Français travaillent déjà ensemble"

Autre secteur touché : l'agroalimentaire et notamment le blé. L'importation de céréales françaises en Algérie a été divisée par trois entre 2018 et 2024. Des importations également en baisse pour les produits laitiers, comme le lait en poudre.

Mais après un pic de tensions diplomatiques, la tendance est aujourd’hui à l'apaisement, assure Jean Louis Levet, économiste et ancien haut responsable à la coopération technologique et industrielle franco-algérienne : "Les deux pays sont intelligents. Ils ont très bien compris qu'il fallait sortir progressivement de cette escalade."

"Ce qui est important, ce n'est pas de passer notre temps à regarder dans le rétroviseur !"

Jean-Louis Levet

à franceinfo

"Aujourd'hui, les deux sociétés civiles ont parfaitement compris qu'elles ont intérêt à travailler ensemble, poursuit Jean-Louis Levet. Beaucoup d'Algériens et de Français travaillent déjà ensemble donc c'est cette perspective-là, aujourd'hui, qu'il faut ouvrir." Malgré les difficultés dans certains secteurs, les importations de produits français ont augmenté de 7% l'année dernière, selon la chambre de commerce algéro-française.

Le climat franco-algérien, pas vraiment favorable pour les entreprises : reportage de Mélanie Kuszelewicz