"TVA sociale" : les plus pauvres seraient-ils davantage mis à contribution que les plus riches ?
Le Premier ministre François Bayrou souhaite que "les partenaires sociaux puissent s'emparer" de la "TVA sociale" pour redresser les finances publiques sans toucher au coût du travail. Il l'a déclaré lors d'une interview à BFM TV et RMC mardi 27 mai. L'idée serait de changer le financement de la Sécurité sociale pour qu'elle repose davantage sur la taxe sur la valeur ajoutée, que tout le monde paie en faisant ses courses, possiblement en augmentant la TVA.
Une idée "totalement inacceptable" aux yeux de Manuel Bompard, le député La France insoumise des Bouches-du-Rhône, invité du 8h30 de franceinfo le même jour, pour qui la "TVA sociale" n'en a que le nom. "Si vous transférez une partie du financement de la protection sociale sur la TVA, vous mettez davantage à contribution les plus pauvres que les plus riches", a-t-il déploré, assurant que "pour les 10% les plus riches, 5% de leurs dépenses vont dans la TVA, alors que pour les 10% les plus pauvres, c'est 12% de leurs dépenses". Vrai ou Faux ?
La TVA pèse plus lourd dans le budget des plus pauvres
Manuel Bompard dit vrai, même s'il confond dans les termes les "dépenses" des "revenus". D'abord, il est important de rappeler que tout le monde paie les mêmes taux de TVA : 5,5% quand on achète de la nourriture, 10% quand on réserve un billet de train et 20% si l'on achète une boisson alcoolisée. Mais, ce que soulève le député insoumis, c'est que ces taux de TVA ne pèsent pas aussi lourds dans notre budget, selon que l'on a plus ou moins d'argent.
Pour dire cela, il s'appuie sur une note du Conseil des prélèvements obligatoires, une institution associée à la Cour des comptes, publié il y a deux ans mais qui reprend des observations de ce même conseil datant de 2015. Le CPO a calculé le "taux d'effort" des Français pour payer la TVA – ce que nous traduisons vulgairement par "le poids de la TVA dans nos budgets". Il a divisé les Français en dix groupes, en fonction de leur revenu disponible – c'est-à-dire leur revenu après soustraction des différentes charges à payer à l'État ou à leur employeur – et a calculé la part de leur revenu qui sert à payer la TVA. "Cet impôt représente 12,5% du revenu disponible des ménages appartenant au premier décile de niveau de vie, contre 4,7% pour le dernier décile", conclut-il. Autrement dit : la TVA pèse plus lourd dans le budget des plus pauvres que dans celui des plus riches. "Entre le deuxième et le neuvième décile, les écarts sont moins marqués, et ce ratio décroît de 9,5% à 7,5%", ajoute le conseil.
Une hausse de la TVA impacte davantage les plus pauvres
Cette différence est liée au fait que la consommation pèse déjà plus lourd dans le budget des plus pauvres, car quasiment tout leur revenu disponible est dépensé chaque mois, alors que les Français les plus riches ne dépensent pas tout leur argent.
Néanmoins, une nuance peut tout de même être apportée. Le Conseil des prélèvements obligatoires explique que ce calcul ne tient que pour une seule année. Il estime que, si on regarde l'impact de la TVA sur la vie entière, sachant que les niveaux de revenu varient au cours d'une vie, cette différence entre les plus riches et les plus pauvres est réduite de moitié.
L'Insee aboutit à la même conclusion que Manuel Bompard. "Une hausse de TVA se répercutant sur les prix à la consommation, elle affecte davantage le niveau de vie des ménages modestes qui consomment l’essentiel de leur revenu", affirme-t-il dans une note de blog. "À moyen terme, une hausse de la TVA augmente légèrement les inégalités de niveau de vie et la pauvreté", ajoute l'institut dans une analyse. Ainsi, si la TVA est augmentée pour financer la Sécurité sociale, les plus pauvres seront effectivement mis davantage à contribution que les plus riches, en proportion de leurs revenus.