Quatre associations tentent de renvoyer TotalEnergies devant la justice pour ses forages pétroliers « climaticides » en Ouganda et en Tanzanie
La première plainte date de septembre 2023. À l’époque, les associations Darwin Climax Coalitions, Sea Shepherd France, Wild Legal et Stop EACOP-Stop Total ont décidé de s’attaquer au mastodonte TotalEnergies. La mainmise de la multinationale sur des terres en Ouganda et en Tanzanie, pour ses projets de forages pétroliers East African crude oil pipeline (Eacop), Kingfisher et Tilenga, est à l’origine d’un désastre tant environnemental qu’humanitaire. Le tout appuyé par des gouvernements locaux qui se rêvent en puissance pétrolière, quitte à abandonner leurs populations.
Le français TotalEnergies est accusé de mettre le feu à l’Afrique de l’Est pour satisfaire son appétit. Son projet pétrolier serait à l’origine de l’enlèvement et de la torture du défenseur des droits humains Stephen Kwikiriza, en juin 2024. Il demande l’utilisation de 419 puits et d’un oléoduc chauffé de 1 443 km pour exporter des hydrocarbures jusqu’à un port de Tanzanie, dans le cadre d’Eacop. Des agressions de pêcheurs et d’opposants politiques par des soldats ougandais, comme des cas d’exploitation sexuelle et sexiste commise par des militaires et le personnel de la compagnie sur la population ont été recensés.
« Des faits s’apparentant à un climaticide »
TotalEnergies est enfin accusé d’accélérer la destruction de la biodiversité dans le parc national de Murchison Falls (Ouganda), déjà victime du dérèglement climatique et du braconnage… Et, malgré les nombreuses alertes, le projet se poursuit. Les accusations, elles, ne cessent d’être qualifiées d’« allégations » par le gouvernement ougandais, tandis que TotalEnergies continue de répéter « son plus ferme désaccord ».
C’est pourquoi les quatre associations ont déposé une nouvelle plainte, avec constitution de partie civile, mi-janvier 2025, pour obtenir qu’un juge de Nanterre se penche sur l’entreprise « climaticide » menée en Ouganda et en Tanzanie, a appris l’AFP mercredi. Cette dernière reprend les termes de la précédente mouture, présentée par les avocats Vincent Brengarth et William Bourdon comme « inédite ». De fait, elle assigne la société TotalEnergies « devant le juge pénal pour des faits s’apparentant à un climaticide, et qui, jusqu’ici, n’avaient leur place que devant des juridictions civiles ».
Darwin Climax Coalitions, Sea Shepherd France, Wild Legal et Stop EACOP-Stop Total y dénoncent plusieurs infractions présumées : abstention de combattre un sinistre, atteintes involontaires à l’intégrité de la personne, destruction, dégradation ou détérioration d’un bien appartenant à autrui de nature à créer un danger pour les personnes, et homicide involontaire. Un choix qui s’avérait nécessaire « face à l’attentisme peu compréhensible du parquet, tant l’ouverture d’une enquête s’imposait, compte tenu de la gravité des faits dénoncés et de leur caractère documenté », a énuméré Me William Bourdon à l’Agence France-Presse. Le parquet de Nanterre a, de son côté, confirmé avoir reçu la plainte, « en cours d’instruction ».
« Prévenir les violations des droits humains et les dommages environnementaux »
Les associations françaises les Amis de la Terre France et Survie, comme les ougandaises AFIEGO, CRED, NAPE/Amis de la Terre Ouganda et NAVODA, avaient déjà mis en demeure la multinationale pétrolière en juin 2019. Le collectif d’associations considérait alors que « celle-ci ne respectait pas ses obligations légales de prévenir les violations des droits humains et les dommages environnementaux ». Les associations fustigeaient notamment le non-respect des civils, et ce, dès les premières prospections pour déterminer quelles parcelles de terre seraient concernées par le chantier à venir.
« Selon les témoignages, des maisons principales ont été considérées comme maisons secondaires et des cultures n’ont pas été comptabilisées, expliquait alors Juliette Renaud, chargée du dossier pour les Amis de la Terre France. Des habitants nous ont également dit avoir signé des textes non traduits, sans comprendre quelle parcelle de leurs terres était concernée, ni le montant exact de la compensation. » Une situation ayant amené à des cas de famine, à une perte progressive des ressources jusqu’ici cultivées, à une déscolarisation des enfants et à une baisse drastique de l’accès à la santé.
Pas de quoi freiner le projet énergivore de TotalEnergies, qui avait même annoncé un accord d’investissement de 10 milliards de dollars avec l’Ouganda, la Tanzanie et la compagnie chinoise CNOOC, en 2022. Une manifestation de grande ampleur, réunissant des militants d’Ouganda, de Tanzanie, d’Allemagne, de Pologne, d’Australie, des Pays-Bas et de France, avait par la suite été organisée à Grenoble, dans le cadre d’un déplacement de l’ancienne ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili. Trois ans plus tard, la situation n’a pas évolué, les pipelines Eacop, Kingfisher et Tilenga poursuivent leur développement et les ONG humanitaire et de défense de l’environnement n’ont d’autres choix que de compter sur la justice.
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