À contrepied

Les Européens ont été complètement pris à contrepied par l’habileté du jeu américain dans la guerre en Ukraine. Après l’humiliation du président Zelensky par Trump et Vance dans le bureau Ovale à Washington et la suspension du soutien militaire américain, les États du Vieux Continent se sont précipités pour annoncer leur passage en économie de guerre, et voler au secours de l’allié ukrainien abandonné par les États-Unis. Las, au bord de la mer Rouge, mardi, l’idée sur laquelle se sont accordés Américains et Ukrainiens d’un rétablissement de l’aide et d’une trêve de trente jours dans le conflit entre Kiev et Moscou a rebattu les cartes.

Le « oui, mais » en réponse de Vladimir Poutine, embarrassé par la pression que fait peser l’engagement de Trump dans le deal proposé, laisse planer l’espoir que la trêve devienne sous peu réalité. L’histoire retiendra que l’Europe et la France n’ont joué aucun rôle dans ce cycle de discussions.

Pis, au moment où se dessinait la possibilité d’un apaisement, le président Macron prolongeait ses accents martiaux sur la « menace russe » devant les chefs d’état-major de trente pays réunis sur la question de la sécurité de l’Ukraine… dont le sort se discute ailleurs et sans lui.

Le piège se referme sur l’Europe, entraînée dans une fuite en avant militariste par Donald Trump lui-même, qui a joué à la perfection de sa diplomatie du coup d’éclat et de la volte-face pour se poser en seul médiateur entre Poutine et Zelensky. Quant à la mobilisation de moyens colossaux dans la défense des États européens, elle correspond exactement à ce qu’attendait Trump.

Ainsi, pendant que le président américain néofasciste est sur le point d’endosser à bon compte les habits de faiseur de paix, dans les démocraties européennes attachées à l’État de droit, la propagande se met en marche pour réveiller les patriotismes les plus belliqueux. Terrible paradoxe, qui marque l’impuissance de notre continent à sortir de la logique d’escalade militaire avec la Russie privilégiée par Joe Biden à la Maison-Blanche.

Cette paralysie diplomatique européenne laisse aujourd’hui le champ libre à un projet de « pax americana », de mise en coupe réglée des ressources minières de l’Ukraine et de concessions aux prétentions russes à l’ampleur encore inconnue. Avec son gigantesque arsenal, l’Europe risque d’être cantonnée demain à jouer à ses frais le simple rôle de gendarme d’une paix conclue dans son dos.

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