Après le retrait de la Lituanie de la convention d’Oslo, Handicap International alerte sur « une érosion préoccupante des régulations sur les armes »
La Convention d’Oslo, adoptée en 2008 et ratifiée par 112 pays, interdit l’usage, la production, le stockage et la vente des armes à sous-munitions. Tandis que la Russie, les États-Unis et la Chine font partie des grands absents du traité, la Lituanie devient le premier pays à s’en retirer, invoquant des impératifs sécuritaires.
Le pays balte rejoint ainsi la Russie et les États-Unis, qui ont quitté des accords de régulation sur les armements, hérités de la guerre froide, comme celui sur la limitation des systèmes anti-missiles balistiques (ABM) en 2002 et le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI) en 2019, ou encore la Corée du Nord sortie du Traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP) en 2003. Une érosion de l’architecture de contrôle des armements, selon le chargé de plaidoyer à Handicap international, Elliot de Faramond.
Quelle a été votre réaction à l’annonce du retrait de la Lituanie de la Convention d’Oslo sur les armes à sous-munitions ?
Nous réaffirmons avec force notre engagement en faveur de la Convention d’Oslo, signée par près des deux tiers des États dans le monde, et nous nous opposons à toute tentative de réhabilitation des armes à sous munitions et des mines antipersonnel.
Les conséquences humanitaires de ces armes sont dramatiques et s’étendent sur des décennies, comme le montrent les cas du Laos – considéré comme le pays le plus contaminé, avec 80 millions de sous-munitions sur son sol – ainsi que de l’Irak et de la Syrie. Nous appelons la communauté internationale à réagir avec la plus grande fermeté et à mobiliser tous les leviers diplomatiques pour préserver ces traités essentiels qui régulent l’usage de ces armes létales.
Pouvez-vous rappeler l’intérêt de la Convention d’Oslo, adoptée en 2008 et ratifiée par 112 États ?
Les armes à sous-munitions sont particulièrement destructrices. Lorsqu’une bombe, une roquette ou un obus disperse ces dizaines, voire centaines de « mini-bombes », la majorité du temps par voie aérienne, elles couvrent une vaste zone – jusqu’à l’équivalent de 11 terrains de football – et frappent sans distinction civils et militaires. Leur impact est d’autant plus catastrophique lorsqu’elles sont utilisées en zones peuplées. En 2023, l’Observatoire des armes à sous-munitions a recensé 219 nouvelles victimes dans 9 pays, dont plus de 90 % étaient des civils, ce qui est absolument aberrant (Un chiffre sous-estimé en raison des difficultés d’accès aux zones de conflit, NDLR).
De plus, environ 40 % de ces mini-bombes n’explosent pas immédiatement et se transforment en mines antipersonnel, piégeant les populations civiles sur le long terme, dont de nombreux enfants. En 2023, près de la moitié des victimes de ces restes explosifs étaient des enfants. Ces armes entravent durablement l’accès aux services de soins, empêchent la culture des terres et freinent le développement socio-économique des territoires touchés pendant des décennies.
Quel est l’impact de ces armes dans les récents conflits ?
Avant l’entrée en vigueur de la Convention en 2010, ces armes faisaient plus de 16 000 victimes par an dans le monde. En 2023, ce chiffre est tombé sous la barre des 300. Cependant, leur usage est en recrudescence, notamment en Syrie et en Birmanie, ainsi qu’en Ukraine, où elles sont massivement utilisées par l’armée russe. La décision des États-Unis, à l’été 2023, de livrer des armes à sous-munitions à l’Ukraine a constitué un précédent inquiétant, ouvrant la porte à une nouvelle normalisation de leur usage sur le champ de bataille.
Comment analysez-vous la décision de la Lituanie d’acquérir ces armes dans un but défensif de dissuasion, face à la menace russe ?
L’argument militaire doit être mis en balance avec l’impact humain, social et économique de ces armes sur les communautés concernées. L’histoire nous a déjà montré les conséquences désastreuses de leur usage : au Kosovo ou encore lors de la guerre du Golfe où les forces américaines ont été ralenties par la nécessité de déminer les zones qu’elles avaient bombardées. Quant à l’argument dissuasif, le conflit en Ukraine montre que la possession ou l’utilisation d’armes à sous-munitions n’a pas empêché une invasion à grande échelle.
Craignez-vous que le retrait de la Lituanie incite d’autres États à suivre le même chemin ? Assiste-t-on à un démantèlement des normes sur l’armement ?
Nous constatons une érosion préoccupante des régulations internationales sur les armes. Le retrait de la Lituanie marque une première dans l’histoire de l’Union européenne : jamais un pays membre ne s’était désengagé d’un traité de désarmement. C’est un signal inquiétant qui menace directement la protection des civils en temps de guerre. Nous dénonçons avec force cette régression et appelons la communauté internationale à renforcer, plutôt qu’à affaiblir, les interdictions de ces armes.
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