Guerre au Proche-Orient : ce que l'on sait de la mort du Premier ministre des houthis, tué lors d'un raid israélien au Yémen
C'est le plus haut responsable connu des rebelles houthis à avoir été tué dans un raid depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza : le Premier ministre du mouvement, Ahmad Ghaleb al-Rahwi, est mort jeudi 28 août lors d'une frappe israélienne, alors qu'il tenait une réunion à Sanaa, la capitale du Yémen, selon un communiqué du mouvement publié le samedi 30 août.
La rébellion, non reconnue internationalement, contrôle de vastes pans du Yémen, en guerre civile depuis 2014 et confrontée actuellement à l'une des pires crises humanitaires au monde. Soutenus par l'Iran, les houthis lancent des attaques en mer Rouge contre Israël, depuis les attaques du 7-Octobre, en soutien à la Palestine.
Israël et le Yémen ne cessent de s'affronter par frappes interposées, jusqu'à cette escalade du 30 et du 31 août. Franceinfo fait le point sur ce que l'on sait de cette attaque, ayant provoqué des vagues de représailles contre des navires israéliens, mais aussi contre des travailleurs de l'ONU au Yémen.
Israël a agi "en quelques heures"
Ahmad Ghaleb al-Rahwi a été tué jeudi 28 août, à Sanaa, la capitale du Yémen, alors qu'il participait à "une réunion du gouvernement". Mais sa mort, ainsi que celle de plusieurs ministres, n'a été annoncée que le samedi 30 août dans un communiqué des rebelles. Selon le texte, dénonçant une "agression menée par l'ennemi israélien" et cité par leur chaîne officielle Al-Massirah, "plusieurs de leurs collègues ont été blessés, certains grièvement". Le Hamas a qualifié les frappes ayant tué les responsables houthis de "crime odieux".
Le même jour, l'armée israélienne a confirmé de son côté avoir tué Ahmad Ghaleb al-Rahwi dans une frappe contre une installation au Yémen abritant "de hauts responsables militaires et d'autres hauts responsables du régime terroriste houthi" grâce à "l'exploitation d'une opportunité en matière de renseignement et à la réalisation d'un cycle opérationnel rapide, qui s'est déroulé en quelques heures". Israël Katz, le ministre israélien de la Défense, a également suggéré qu'Israël prévoyait d'attaquer davantage de hauts dirigeants houthis à l'avenir.
Même si le rôle du Premier ministre est essentiellement symbolique au sein du gouvernement des rebelles houthis, face au rôle du chef du mouvement Abdul Malik al-Houthi, cette frappe montre la capacité d'Israël à cibler des hauts responsables. "L'impact symbolique est considérable", explique l'analyste Ahmed Nagi, spécialiste du Yémen, dans The New York Times.
"Les houthis craignent désormais que les futures frappes ne s'étendent pas uniquement aux responsables gouvernementaux, mais incluent également les chefs militaires qui détiennent un pouvoir décisionnel au sein du groupe."
Ahmed Nagi, spécialiste du Yémendans "The New York Times"
Les houthis ont promis de se venger et d'intensifier leurs attaques sur Israël. "Nous promettons à Dieu, au cher peuple yéménite et aux familles des martyrs et des blessés que nous nous vengerons", a déclaré Mehdi al-Machat, chef du Conseil politique suprême, dans un message vidéo sur Telegram. "Des jours sombres vous attendent", a-t-il ajouté, s'adressant à Israël. Dans un communiqué distinct, les rebelles ont annoncé la nomination de Mohammed Ahmad Mouftah en tant que "Premier ministre par intérim" pour succéder à Ahmad Ghaleb al-Rahwi, qui avait été nommé en août 2024.
Des employés de l'ONU arrêtés en représailles
Directement après l'annonce de la mort de leur Premier ministre, les rebelles ont mené une campagne d'arrestation contre des dizaines de personnes "soupçonnées de collaboration avec Israël" et d'une fuite d'informations. Parmi lesquels des membres de l'ONU, qui a annoncé dimanche la détention d'au moins onze de ses employés au Yémen. Le Programme alimentaire mondial (PAM) avait annoncé plus tôt l'arrestation d'un de ses employés à Sanaa, sans préciser s'il fait partie des onze employés de l'ONU. "La détention arbitraire de personnel humanitaire est inacceptable. La sûreté et la sécurité du personnel sont essentielles à la réalisation d'un travail humanitaire vital", a ajouté l'organisme onusien.
L'émissaire de l'ONU pour le Yémen, Hans Grundberg, a dénoncé de son côté "l'entrée par effraction dans les locaux des Nations unies et la saisie de biens appartenant à l'organisation". Il a aussi condamné "la nouvelle vague d'arrestations arbitraires de membres du personnel des Nations Unies à Sanaa et à Hodeïda".
Fin janvier 2025, huit salariés de l'ONU au Yémen avaient été arrêtés par les houthis, qui détiennent déjà des dizaines d'employés des Nations unies et de plusieurs organisations humanitaires depuis juin 2024, selon l'ONU. Les rebelles avaient justifié ces arrestations par la découverte d'un "réseau d'espionnage américano-israélien" opérant sous couvert d'organisations humanitaires, des accusations fermement rejetées par l'ONU.
"Les houthis utilisent les détentions arbitraires et les disparitions forcées comme un outil de pression politique, alors même que les personnes vivant sur leurs territoires ne peuvent subvenir à leurs besoins les plus élémentaires", explique la chercheuse Niku Jafarnia auprès de Human Rights Watch. Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a lui appelé à la "libération immédiate et inconditionnelle" des onze employés ainsi qu'à celle "de tous les autres employés des Nations unies, d'ONG internationales et nationales, de la société civile et de missions diplomatiques qui sont arbitrairement détenus".
Un missile tiré en direction d'un pétrolier israélien
Dans leur vague de représailles, les rebelles houthis au Yémen ont affirmé lundi 1er septembre avoir tiré un missile balistique en direction d'un "pétrolier israélien" en mer Rouge, qui n'a pas été touché. "Un capitaine a signalé avoir observé un impact à proximité immédiate de son navire, causé par un projectile inconnu, accompagné d'une forte détonation", assure l'agence de sécurité maritime britannique UKMTO. Elle précise que l'équipage est "sain et sauf" et que le navire a poursuivi sa route.
Les rebelles ont repris en juillet, après une pause de plusieurs mois, leurs attaques au large du Yémen, en mer Rouge ou dans le golfe d'Aden, contre les navires qu'ils accusent de liens avec Israël. En mai, ils avaient conclu une trêve avec les Etats-Unis qui avait mis fin à des mois de bombardements américains au Yémen, en échange de l'arrêt de leurs attaques contre les navires dans cette voie maritime stratégique pour le commerce mondial.
Les frappes militaires s'étaient intensifiées entre les rebelles houthis et Israël ces dernières semaines. Dimanche 24 août, l'armée israélienne avait effectué des bombardements contre le palais présidentiel et un site de stockage du carburant à Sanaa, qui avait fait 10 morts, selon les rebelles houthis. Mercredi 27 août, ceux-ci avaient répliqué par un tir de missile contre Israël, intercepté par l'Etat hébreu. "Nous ne dévierons pas de la lutte contre le projet américano-sioniste et poursuivrons l'escalade jusqu'à l'arrêt de l'agression et la levée du blocus [israélien] contre Gaza", avait averti en réponse le bureau politique des houthis.