"Conclave" sur les retraites : pénibilité, âge d'annulation de la décote, cotisations… Quels sont les points de blocage qui empêchent un accord ?
Un dernier tour et puis s'en va ? Entamé fin février, le "conclave" sur les retraites n'a pas débouché sur un accord, mardi 17 juin, qui était la date butoir prévue. Une nouvelle réunion a été annoncée pour le 23 juin, mais le flou règne sur le contenu et les participants de cette ultime session. Mercredi, le patron du Medef, Patrick Martin, s'est dit sur France 2 "très réservé" concernant la présence de l'organisation patronale à ce rendez-vous, précisant qu'il allait "consulter ses instances".
Tard dans la nuit de mardi à mercredi, les représentants des salariés ont aussi exprimé leurs réticences face à cette prolongation. "On va réfléchir si on vient entièrement le 23, ou qu'au début, ou pas du tout", a prévenu Pascale Coton, négociatrice de la CFTC, "en colère" devant la tournure prise par la concertation mardi. Christelle Thieffinne, négociatrice de la CFE-CGC, doit elle aussi "en parler" à ses "instances, pour voir [si son syndicat vient] lundi prochain".
Si la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, a redit mercredi matin sur franceinfo sa "confiance" dans la capacité des partenaires sociaux à trouver "les compromis nécessaires", l'horizon s'est assombri, en raison de très fortes divergences entre les différents acteurs. Franceinfo passe en revue ces points de blocage qui empêchent toute fumée blanche à l'issue du "conclave".
La manière de prendre en compte la pénibilité
La pénibilité est l'un des sujets centraux de cette négociation et reste une pomme de discorde. La meilleure prise en compte de métiers usants est l'un des chevaux de bataille des syndicats, comme la CFDT. La centrale réformiste pousse pour que des départs anticipés soient possibles avant l'âge légal de 64 ans pour les salariés qui occupent des postes pénibles. En face, le Medef s'est clairement opposé à cette piste. L'organisation patronale propose bien la prise en compte de critères de pénibilité, mais pour obtenir des droits à la formation ou à la reconversion.
Les positions sont-elles irréconciliables ? Jean-Jacques Marette, le médiateur expérimenté de ce "conclave", a mis sur la table l'instauration d'un compte pénibilité, qui prendrait en considération les manutentions manuelles de charge, les postures pénibles et les vibrations mécaniques. Ce compte pénibilité pourrait ouvrir, dans certains cas, à un départ anticipé en retraite. Mais il serait plus resserré que ce qu'espèrent les syndicats. Pas sûr que cette piste puisse convaincre le Medef de Patrick Martin, qui considère "bien sûr" que la structure patronale est allée suffisamment loin sur ce point : "On ne peut pas être dans un monde d'illusions", argue-t-il.
La fixation d'un âge de départ sans décote
L'autre point de crispation majeur est l'âge de départ sans décote, qui est l'âge auquel il est possible de partir à la retraite sans pénalité, même si l'on n'a pas cotisé le nombre de trimestres exigés, soit 172 pour les générations à partir de 1965. Aujourd’hui, il faut attendre 67 ans pour échapper à la décote. La CFTC milite pour un passage de l'âge de départ sans décote à 66 ans, ce que défend également la CFDT. Le Medef est contre cet abaissement, qui "coûterait 5,5 milliards [d'euros] en 2035". "Pourquoi pas, mais où trouve-t-on la contrepartie financière ?", a interrogé Patrick Martin mercredi.
De son côté, Jean-Jacques Marette propose de couper la poire en deux avec un âge de départ sans décote qui serait désormais fixé à 66 ans et demi. Mais rien ne dit que ce compromis permette de trouver un accord. "Rogner des mois, ce n'est vraiment pas correct", a réagi Pascale Coton, citée par le média Actuel RH. La cheffe de file de la délégation CFTC y voit "un chiffon rouge".
La recherche de l'équilibre financier
Pour assurer l'équilibre financier du système, le médiateur du "conclave" a proposé que la CSG soit augmentée pour les retraités aux revenus moyens ou supérieurs, rapporte l'AFP. Les retraites pourraient être sous-indexées de 0,8 point par rapport à l'inflation en 2026, et de 0,4 point en 2027. "Ces mesures ne relèvent pas de notre responsabilité. C'est le Parlement qui décide, évacue Patrick Martin, du Medef. Si le Parlement – et ça ne semble pas être le cas – était d'accord pour que ces mesures soient prises, on pourrait y réfléchir."
Le Medef refuse également, et "catégoriquement", une autre piste évoquée, celle de l'augmentation des cotisations patronales. "Je m'étonne que certains aient mis sur la table des mesures qui créent de la complexité et qui renchérissent le coût du travail", a lancé Patrick Martin à l'adresse de la CPME, autre structure du patronat.
Si les partenaires sociaux ne se mettent pas d'accord sur cette question de l'équilibre financier, comme sur les autres éléments de la négociation, c'est la réforme de 2023 qui "s'appliquera", a prévenu mardi François Bayrou.