Le 9 mai 2025 en Russie : un face-à-face Brics et Occident ?
Vendredi 9 mai 2025, Vladimir Poutine a invité une vingtaine de chefs d'État pour célébrer le 80e anniversaire de la Victoire de l'Union soviétique sur l'Allemagne nazie, avec un défilé des troupes russes sur la place Rouge de Moscou et un discours du président russe rendant hommage à ses soldats en guerre en Ukraine. Pour l'ancien diplomate et écrivain russo-ukrainien Vladimir Fedorovski, il y avait derrière cet évènement un triple message.
franceinfo : Quel est le message dans cette célébration à Moscou, selon vous ?
Vladimir Fedorovski : Tout d'abord, c’est un message du peuple russe qui a sacrifié 27 millions de morts dans la Deuxième Guerre mondiale et, dans le contexte actuel, ça reste un symbole très important. Au-delà de ça, il y a deux aspects tout à fait politiques. Il y a une démonstration de la part de Vladimir Poutine de la présence de tous ces chefs d'État - et surtout de la présence de la Chine et d'autres pays des Brics. C’est-à-dire que plus que jamais, le pays est soutenu par ces pays-là. Et puis il y a un message par rapport à la future période de négociations avec Trump.
On a vu le président chinois Xi Jinping, le Premier ministre slovaque Robert Fico, le seul dirigeant d'un État membre de l'Union européenne, le président serbe Alexandre Vučić et le président biélorusse Alexandre Loukachenko. Le Maréchal Sissi pour l’Egypte, le président brésilien Lula, et puis la présence de l'Asie centrale, l'Amérique du Sud, l'Afrique, l'Asie du Sud-Est. Serait-on dans un face-à-face Brics et Occident ?
C’est un message ambigu parce que ces dirigeants-là ont souligné qu'ils étaient prêts à jouer un rôle intermédiaire, prêts même à remplacer les Américains comme intermédiaire dans ce conflit. Le président brésilien notamment en a parlé, ainsi que les Chinois. Concrètement, l'attention autour de ça et le fait que Poutine a réussi à organiser cette réunion spectaculaire prouvent que, dans les mois qui viennent, il faut s'attendre à une période cruciale. Soit on trouve une issue négociée diplomatiquement à ce conflit, soit on va vers sa continuité et dans ce cas-là, ça préfigure une sorte d'escalade très dangereuse.
L'élection, jeudi 8 mai, d'un pape américain peut être un message adressé à Donald Trump par le Vatican. Ces deux événements sont-ils le reflet d’un désir de résolution du conflit en Ukraine ?
Il faut l'espérer parce que les contacts sont quotidiens entre les Américains et les Russes. Mais malheureusement, le fait qu'il y ait une pression et une avancée sur le terrain des Russes, nous sommes vraiment devant un choix difficile.
Mais vous êtes un ancien diplomate, quelle est votre opinion personnelle ?
J'espère bien qu'il y a des chances qu'on puisse trouver une issue diplomatique, car la diplomatie a été presque tuée et oubliée. Dans le contexte actuel, il y a une sorte de triomphe de l’amateurisme...
Vous venez de dire le triomphe de l'amateurisme ?
Oui, ces tentatives de Trump de régler ce conflit en 24 heures, ça n'a rien donné. Et j'espère qu'il y aura la possibilité de continuer la diplomatie et que cette tragédie se termine le plus vite possible. En tout cas, j'ai négocié beaucoup pendant la guerre froide et je pense que le plus grand danger qui nous guette, notamment ces derniers mois, c'est ce souhait de prendre ses désirs pour des réalités, et surtout de vendre la peau de l'ours avant de l’avoir tué.
Vladimir Fédorovski a publié Trump, Poutine et Ivan le terrible, dialogue avec l’Histoire, aux éditions Balland.