Consentement dans la définition pénale du viol : tout comprendre à la proposition de loi examinée à l’Assemblée
Dans les affaires de violences sexuelles, le taux de classement sans suite atteint 86 %, et 94 % pour les viols, selon une étude rédigée par Maëlle Stricot, doctorante à l’École d’économie de Paris, sur la base des données administratives accessibles à la recherche, et couvrant la majorité des affaires pénales traitées et terminées entre 2012 et 2021 en France. Ces classements sont dus à des infractions jugées « insuffisamment caractérisées », indique l’étude.
Dans ce contexte alarmant, ce mercredi 26 mars, la proposition de loi visant à « modifier la définition pénale du viol et des agressions sexuelles », porté par Véronique Riotton (Ensemble pour la République) et Marie-Charlotte Garin (Écologiste), sera examinée en commission des Lois à l’Assemblée nationale. Le texte, signé également par les présidents des groupes macroniste et écologiste Gabriel Attal et Cyrielle Chatelain, propose « de combler ce silence de la loi en introduisant la notion de non-consentement dans la définition du viol et des agressions sexuelles ».
Cette notion représente « un outil supplémentaire aux juges », estime la co-rapportrice de la mission parlementaire à l’origine du texte et députée écologiste, Marie-Charlotte Garin, qui regrette que le consentement irrigue « toute la procédure judiciaire » alors que celui-ci est absent dans la loi. L’élue voit dès lors dans le texte examiné à l’Assemblée une manière de lutter contre l’« impunité » qui « règne sur le viol », ainsi que la « culture du viol ».
Un texte critiqué par des élues et des militantes féministes
À l’heure actuelle, selon le Code pénal, le viol se caractérise par « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise ». Pour la parlementaire, la définition actuelle « n’empêche pas que les victimes soient au cœur du débat, avec en plus une instrumentalisation de la notion de consentement, qui est partout mais qui n’est pas clairement définie ».
Mais ces arguments peinent parfois à convaincre, y compris à gauche, et des amendements ont été déposés pour s’opposer à l’introduction de cette notion. « Je suis très très choquée en tant que juriste qu’on définisse un crime par l’attitude de la victime », s’indigne notamment la députée socialiste Colette Capdevielle. « Le droit pénal, c’est d’abord définir le comportement d’un auteur, pas celui d’une victime », ajoute-t-elle.
Une position partagée par certaines élues et féministes qui déplorent justement le fait que cette notion soit « présente tout au long de la procédure », dans une tribune publiée dans nos colonnes. « Au lieu de se concentrer sur la stratégie de l’agresseur, la justice se focalise sur un éventuel consentement de la victime » poursuit la tribune, parmi lesquelles figurent des signataires telles que Laurence Cohen, sénatrice honoraire (PCF), ou bien Françoise Bellot, membre du Collectif Féministe Contre le Viol. « Ce qui pose problème devant le peu de condamnations pour viol, ce n’est pas la définition du viol, qui est satisfaisante, mais les partis pris colportés par la justice qui entérinent et confortent les inégalités femmes hommes, les hiérarchies, les dévalorisations, bref le patriarcat », ajoutent les autrices.
Des remarques émises par le Conseil d’État
Le Conseil d’État dans un avis rendu début mars, a de son côté indiqué que l’enquête judiciaire ne serait « évidemment pas dirigée vers le plaignant » mais « vers l’auteur ». La haute juridiction administrative a émis une série de remarques rédactionnelles, suggérant une formulation – « le consentement doit être libre et éclairé, spécifique, préalable et révocable » – assortie de précisions sur l’interprétation du silence et de l’absence de résistance.
Les deux auteures de la proposition ont déposé des amendements pour « intégrer les modifications rédactionnelles du Conseil d’État » qui a « rassuré énormément d’inquiétudes », a affirmé à l’Agence France Presse Marie-Charlotte Garin. La députée espère bénéficier d’un soutien franc de la gauche et du camp gouvernemental en dehors de « quelques électrons libres », a-t-elle déclaré.
La nécessité d’une loi intégrale contre les violences sexuelles
Face au fléau des violences sexistes et sexuelles, une coalition composée de 63 organisations (associations, fondations, fédérations, syndicats, ONG) lançait, en novembre 2024, a présenté, conjointement avec le mouvement Grève féministe, une loi intégrale contre les violences sexuelles, « en réponse au problème majeur de l’impunité des auteurs de violences sexuelles ».
140 mesures d’ordre législatif, budgétaire et réglementaire ont été présentées pour une « révolution copernicienne du traitement des violences sexuelles en France et l’instauration d’une véritable culture de la protection des victimes de violences sexuelles ». Mais dans cette proposition forte, figure un prérequis qui nécessite une volonté politique : porter à 2,6 milliards d’euros le budget de l’État dédié aux violences sexistes et sexuelles.
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