Kanaky-Nouvelle-Calédonie : le FLNKS maintient la pression, Emmanuel Macron entrouvre la porte vers l’indépendance
Y aura-t-il un accord historique pour la Kanaky en 2025, après ceux de Nainville-les-Roches (1983), de Matignon-Oudinot (1988) puis de Nouméa (1998) ? C’est en tout cas le souhait des indépendantistes du Front de libération kanak et socialiste (FLNKS), dont la délégation tenait ce jeudi une conférence de presse à l’Assemblée nationale, au lendemain de l’ouverture du sommet convoqué par Emmanuel Macron sur l’avenir de l’archipel du Pacifique. Pour le député Emmanuel Tjibaou, il s’agit d’un « rendez-vous majeur de notre histoire : nous sommes à la table des négociations en tant que mouvement de libération ».
Le fils du leader historique de la lutte indépendantiste des années 1980 a rappelé que l’objectif « demeure inchangé : porter les aspirations du peuple colonisé à recouvrer sa liberté prise par la France ». Le dialogue, initié par le ministre des outre-mer, Manuel Valls, a repris depuis le 5 février. Un tour de force que d’avoir réussi à ce qu’il reprenne, moins d’un an après les révoltes de mai 2024, nées de la volonté du gouvernement français de dégeler le corps électoral en passant en force.
« Nous attendons beaucoup de réponses d’Emmanuel Macron »
Le FLNKS tient à rappeler l’enjeu de l’achèvement de la décolonisation de la Kanaky – Nouvelle-Calédonie, 172 ans après sa prise de possession par la France, le 24 septembre 1853. Précisément, c’est à cette date symbolique que le FLNKS pourrait signer l’accord qu’il appelle de ses vœux. « C’est ce que nous voudrions », avance Mickaël Forrest, ministre du gouvernement calédonien et membre de la délégation du FLNKS, qui replace ces discussions sous l’angle du droit international, « notre principal bouclier ».
Une autre figure indépendantiste était présente, quinze jours à peine après sa libération sous contrôle judiciaire : Christian Tein, devenu président du FLNKS en août 2024, alors qu’il se trouvait à l’isolement à la prison de Mulhouse, où il aura passé près d’un an. « Bichou », comme tout le monde l’appelle chez lui, peut circuler sur le territoire métropolitain mais est interdit de rentrer en Kanaky – Nouvelle-Calédonie.
« Le sens de ce sommet doit être de refermer la parenthèse coloniale dans notre pays, reconstruire en posant des bases sereines pour la population. » Son cas personnel importe peu. Mercredi soir, il s’est présenté à l’Élysée pour participer au sommet en tant que président du Front, mais s’est vu refuser l’entrée.
« C’est Emmanuel Macron qui a les clés de sa maison, je l’accepte », a-t-il souri, avant de préciser, plus sérieux : « Je fais entièrement confiance à la délégation qui porte la parole du FLNKS. Nous attendons beaucoup de réponses de M. Macron. »
Débuté mercredi par un accueil officiel, le sommet est en effet entré jeudi soir dans le vif du sujet, et devrait s’étirer au moins jusqu’à la fin de la semaine. Début mai, lors des discussions à Deva, à 170 km au nord de Nouméa, menées par Manuel Valls, celui-ci avait mis sur la table un projet permettant à l’archipel d’accéder enfin à la pleine souveraineté, puis d’une association avec la France et d’une double nationalité. Une étape historique et novatrice qui pour Emmanuel Tjibaou « traduisait un équilibre entre la souveraineté et les aspirations de tous les Calédoniens ».
Vers une trajectoire d’État associé ?
Qu’a donc mis sur la table Emmanuel Macron ? Les premiers éléments laissent augurer d’une réelle marge de manœuvre pour les discussions. Le chef de file de la délégation, Emmanuel Tjibaou, a assuré que le chef de l’État avait évoqué dans son discours « une trajectoire d’État associé : ça nous intéresse ». Sur une temporalité de « quinze à vingt ans qui est un des objets de la négociation ». Mais il a rappelé que le FLNKS « reste vigilant : on a besoin d’éléments concrets et écrits ».
Autre sujet de discussion : les enjeux de la reconstruction du territoire, mis à bas par les violences, avec un PIB qui a chuté de 15 % en un an. Les discussions, qui se tiennent cette semaine entre la ville de Bougival (Yvelines) et le ministère des outre-mer, rue Oudinot, sont organisées par thématiques. L’une d’entre elles concerne les enjeux économiques, et notamment la filière du nickel.
En mai dernier, l’accord avait capoté car la droite anti-indépendantiste de Sonia Backès et du député Nicolas Metzdorf avait refusé de signer ce qu’elle considère comme un « lâchage » par la France. Mais Emmanuel Tjibaou rappelle que tout le reste du spectre politique calédonien y était favorable, y compris la droite modérée, soit « une large majorité qui représente les deux tiers du Congrès ».
Marginalisée et en voie de radicalisation, la droite calédonienne n’en est que plus dangereuse. Pour Mickaël Forrest, l’accord de Kanaky serait une grande avancée, y compris pour une France dont la parole est dévaluée dans le monde, et qui pourrait ainsi « réussir une décolonisation et retrouver sa grandeur ».
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