« Justice a été rendue » : un ex-entraîneur de patinage artistique condamné à sept ans de prison pour viols et agressions sexuelles sur mineures
« Dans ma tête, je suis une proie », écrivait l’ancienne patineuse Sarah Abitbol, qui racontait, dans le livre Un si long silence (Plon), comment, en 1990, son entraîneur et mentor Gilles Beyer l’avait violée à 15 ans et pendant deux ans. Une dénonciation qui avait déclenché le mouvement MeToo Sport.
Cinq ans après la publication du livre, les violences sexistes et sexuelles d’un autre ancien entraîneur de patinage artistiques qui ont été jugées cette semaine. Et les deux femmes, qui ont accusé l’homme de viols et d’agressions sexuelles, soutiennent que c’est bien le témoignage de Sarah Abitbol qui les a poussées à dénoncer les faits.
Dans cette affaire, l’ex-entraîneur de patinage artistique Sébastien C. a été condamné, mardi 11 février, à sept ans de prison pour viols et agressions sexuelles sur mineures par la cour criminelle des Hauts-de-Seine. Le parquet avait requis 12 ans de réclusion criminelle.
« Quel soulagement »
Après plus de trois heures de délibéré, lors du verdict, le président de la cour a indiqué : « Les actes sexuels dont la matérialité pour l’essentiel n’était pas contestée ont été obtenus de manière forcée par une contrainte morale qui résulte d’abord de l’âge des victimes, 13 et 14 ans, (…) de la différence d’âge entre l’accusé et les victimes (et) de l’autorité que (Sébastien C.) avait sur elle en sa qualité d’entraîneur de patinage artistique ».
Sébastien C. a « nécessairement conscience de ce qu’il forçait de très jeunes victimes à rentrer de manière précoce dans la sexualité », a insisté le président. Il a aussi écopé de l’interdiction définitive de travailler, y compris bénévolement, au contact de mineurs.
À l’époque des faits, les deux femmes à l’origine de la plainte avaient entre 13 et 15 ans. « Justice a été rendue », a simplement réagi Anaïs (prénom modifié), l’une des deux plaignantes âgée de 31 ans. « (Ce que j’ai vécu) a été entendu, reconnu, cru et condamné, quel soulagement ! », a confié à l’Agence France Presse Emma, 30 ans, la deuxième victime qui a aussi souhaité rester anonyme. De son côté, l’ancien entraîneur, qui avait entre 25 et 26 ans lors des faits, entre janvier 2007 et décembre 2008, nie fermement tout acte sexuel non consenti. Maître Margaux Mathieu, l’une des avocates de Sébastien C., n’a pas souhaité commenter le verdict à ce stade.
Une « mise en confiance » permettant de « s’assurer du silence de ses victimes »
Et lors de son interrogatoire, l’ex-entraîneur a maintenu la même ligne que celle tenue lors de sa mise en examen en 2020. Il a nié avoir imposé toute contrainte aux deux adolescentes à l’époque. Une assesseure a alors cinglé : « Pensez-vous qu’à 13 ans, un enfant est en pleine conscience en mesure de choisir ? »
« Si c’était une enfant, je n’aurais jamais fait ça », a-t-il répondu, assurant plusieurs fois que selon lui la plus jeune des victimes avait « 14 ans, pas 13 ». « Je comprends le problème, j’ai un regard différent aujourd’hui, je percevais les choses vraiment totalement différemment à l’époque des faits », a-t-il ajouté.
Maître Justine Bulard, avocate d’Anaïs, a déclaré, lors de sa plaidoirie que la « mise en confiance » des plaignantes par Sébastien C. lui « permettait de s’assurer du silence de ses victimes ». « Omerta », « ambiance sexualisée », l’audience a inscrit les faits jugés et le comportement de l’ex entraîneur dans un contexte de silence complice et entretenu au sein du club, caractéristique de la « culture de l’impunité » dans le patinage artistique, selon Maître Iris Pajot, avocate de l’association La voix de l’enfant, partie civile.
« En 2008, il n’a pas perçu la contrainte ou l’emprise », a plaidé Maître Mathieu, qui avait demandé que son client soit acquitté des faits de viol et que les agressions sexuelles soient requalifiées en atteintes sexuelles sur mineur de 15 ans. Depuis le début de l’enquête en 2020, plusieurs non-lieux ont été rendus concernant d’autres victimes qui accusaient le même homme.
En France, le témoignage de Sarah Abitbol avait entraîné un flot de révélations dans presque toutes les disciplines. À ce sujet, la présidente de la Commission de lutte contre les violences sexuelles au Comité national olympique et sportif français Catherine Moyon de Baecque, s’exprimait en 2023 auprès de l’Humanité. L’ancienne athlète française, qui avait dénoncé une agression sexuelle en équipe de France en 1991, déclarait dans nos colonnes : « La libération de la parole et de l’écoute a permis la révélation de beaucoup d’histoires mais trop de victimes se taisent car elles ont peur de représailles. Je leur dis : « Nous sommes là. » »
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