L’ancien ambassadeur de France à Alger (2008-2012 puis 2017-2020), Xavier Driencourt, avait été le premier à suggérer la dénonciation - dans une note publiée par la Fondapol puis dans les colonnes du Figaro - des accords de 1968, passés six ans après ceux d’Evian. «Globalement, oui, les accords de 1968 sont favorables à Alger. Il y a peut-être une cinquantaine de Français qui vont en Algérie munis d’un passeport diplomatique. Dans le sens inverse, beaucoup plus d’Algériens viennent ici. Ni vous ni moi n’allons nous faire soigner en Algérie par exemple», ironise l’ancien ambassadeur auprès de Timothée Dhellemmes dans «Points de Vue» (Le Figaro TV).
S’il salue la remise en cause de ces accords, le diplomate de métier regrette que n’ait été mise en œuvre une forme «d’ambiguïté stratégique, comme dans le nucléaire. Nous montons tout de suite à l’arme nucléaire (des accords de 1968, NDLR) alors qu’on aurait pu user de la riposte graduée en prenant plus tôt, dès l’arrestation de Boualem Sansal, des mesures sur les visas des hauts dignitaires algériens par exemple, et ce sans forcément communiquer d’ailleurs». En l’occurrence, Xavier Driencourt évoque l’échange de lettres entre Mourad Medelci et Bernard Kouchner en 2007, qu’il avait lui-même révélé sur le plateau du Figaro TV en septembre dernier et qui exempte de visa tout titulaire d’un passeport diplomatique. «Et de l’autre côté, nous agitons le chiffon rouge en envoyant madame Dati et Gérard Larcher au Sahara occidental...», déplore l’ancien ambassadeur.
Les événements récents, entre l’arrestation de Boualem Sansal, l’affaire dite des «influenceurs algériens» et l’attentat de Mulhouse dont l’assaillant avait été refusé par l’Algérie à quatorze reprises, prennent une tournure semblable à une potentielle escalade. Que va-t-il se passer dans quatre semaines si l’Algérie n’entend pas renégocier les accords de 1968 ? «Il faudra alors dénoncer ces derniers, mais ce peut aussi, à terme, aller vers la rupture des relations diplomatiques. Juridiquement, nous n’y sommes pas, mais la rupture supposerait la fermeture de l’ambassade et des consulats algériens en France. Vu la lecture du communiqué algérien hier, il ne faut rien exclure. Aujourd’hui, il y a rupture diplomatique entre le Maroc et l’Algérie donc plus de vol entre Rabat et Alger. Si demain il n’y a plus de vol entre Paris et Alger, qui sera pénalisé ?», avance Xavier Driencourt, dans une question quasi rhétorique.
Quant au sort de Boualem Sansal, embastillé depuis plus de trois mois, Xavier Driencourt en appelle à une médiation italienne. «L’Algérie et l’Italie de madame Meloni s’entendent très bien. Le président Mattarella qui a 82 ans et qui appelerait le président Tebboune - 79 ans - pour libérer un écrivain de 80 ans, ce pourrait prendre tout son sens», imagine-t-il. Sur un tout autre pan du dossier, l’avocat de Boualem Sansal mandaté par la maison d’édition Gallimard, Me François Zimeray, a confirmé auprès du diplomate ne pas avoir reçu «de visa en raison de ses origines juives» et être «très marqué par cette décision».
Alors que sera votée mardi 4 mars, au Parlement européen, une résolution exigeant la libération immédiate de Boualem Sansal, Xavier Driencourt aborde enfin l’isolement d’Alger sur la scène internationale : «Finalement, ils sont très fragiles aussi sur le plan diplomatique. Ils sont brouillés avec la France, avec le Mali, avec la Libye, pas en excellents termes avec la Russie qui n’a rien fait pour sauver Bachar el-Assad en Syrie, n’ont pas réussi à entrer dans les BRICS. Dans cette phase, il faut qu’ils reviennent à la raison».