"Situation Room" de la Maison Blanche : une salle de crise où les présidents se mettent en scène

Chaque photographie a été savamment étudiée. Un cliché montre le président Donald Trump, le regard fixe, impassible, observant la mission qui a détruit, samedi 21 juin, trois sites d'enrichissement nucléaire iraniens. Sur un autre cliché, le chef d'État américain se tient debout dans la salle de crise de la Maison Blanche connue sous le nom de "Situation Room", tandis que son chef d'état-major interarmées, Dan Caine, semble prendre la parole. À chaque fois qu'il est photographié, Donald Trump porte une casquette rouge vif avec son emblématique slogan de campagne "Make America Great Again" ("Rendre à l'Amérique sa grandeur").

Sur ces clichés, Donald Trump apparaît entouré de membres importants de son équipe, dont le vice-président J.D. Vance, le secrétaire d'État Marco Rubio – qui est également son conseiller à la sécurité nationale –, la cheffe de cabinet de la Maison Blanche Susie Wiles et le secrétaire à la Défense Pete Hegseth. Tous sont réunis autour d'une grande table en bois où l'on peut voir des bouteilles d'eau à moitié vides, ainsi que des gobelets jetables arborant le sceau de la Maison Blanche.

Sur une photo publiée par la Maison Blanche via, le président américain Donald Trump (à gauche) se trouve avec des membres de son cabinet, dont la cheffe de cabinet de la Maison Blanche Susie Wiles (2e à gauche), le président des chefs d'état-major interarmées, le général Daniel Caine (au centre), le vice-président américain JD Vance (au centre en arrière-plan) et le secrétaire d'État américain Marco Rubio (à droite), dans la salle de crise de la Maison Blanche le 21 juin 2025 à Washington, DC.
Sur une photo publiée par la Maison Blanche via, le président américain Donald Trump (à gauche) se trouve avec des membres de son cabinet, dont la cheffe de cabinet de la Maison Blanche Susie Wiles (2e à gauche), le président des chefs d'état-major interarmées, le général Daniel Caine (au centre), le vice-président américain JD Vance (au centre en arrière-plan) et le secrétaire d'État américain Marco Rubio (à droite), dans la salle de crise de la Maison Blanche le 21 juin 2025 à Washington, DC. AFP - -

L'agence de presse américaine AP souligne que Donald Trump est toujours parfaitement net sur les photos, même si d'autres responsables au premier plan – comme Hegseth ou Vance – sont légèrement flous. Selon le Washington Post, ces photos vues près de 12 millions de fois sur X, ont été retouchées numériquement, "potentiellement pour masquer des informations sensibles ou classifiées" qui auraient pu être visibles sur certains documents. 

Cette série de photos que la Maison Blanche a publiées le jour des frappes américaines contre l'Iran sur son compte X "donne au public un aperçu rare de l'intérieur de la 'Situation Room', attisant à nouveau la curiosité à chaque fois que des images du complexe hautement secret sont publiées", selon l'analyse d'Associated Press.

Le journal The Independent rappelle que c'est là "que des experts civils et militaires surveillent les événements dans le monde entier sur une banque d'écrans lumineux 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et appellent le président ou ses principaux collaborateurs chaque fois qu'une situation en développement nécessite leur attention immédiate, ce qui peut survenir à tout moment du jour ou de la nuit".

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Un ancien bowling

La salle de conférence principale de ce lieu dans laquelle ont été prises les photos de Donald Trump et son équipe est surnommée "JFK Room" ("salle JFK"), du nom de John Fitzgerald Kennedy, le président en exercice lors de la création de la salle de crise de la Maison Blanche en 1961. Sa construction avait été décidée par son conseiller à la Sécurité nationale McGeorge Bundy après l'échec du débarquement de la baie des Cochons à Cuba, une tentative de renversement de Fidel Castro. Ce désastre avait été imputé à des communications et des renseignements inadéquats.

Selon George Robert Stephanopoulos, un journaliste américain, ancien conseiller du président Bill Clinton qui a consacré un livre à ce lieu "The Situation Room : The Inside Story of Presidents in Crisis" (éd. Grand Central Publishing), un bowling se trouvait autrefois à cet emplacement. Contrairement à la croyance populaire, il ne s'agit pas d'une unique pièce, mais d'un vaste complexe de trois salles de conférence et d'un poste de surveillance, situé au sous-sol de l'aile ouest de la Maison Blanche.

Comme le retrace le Washington Post, elle a été "le théâtre de certains des moments les plus tendus de l'histoire moderne". "Elle était opérationnelle lors de la confrontation entre Kennedy et les Soviétiques pendant la crise des missiles de Cuba. Lyndon B. Johnson y a passé tellement de temps pendant l'offensive du Têt au Vietnam qu'il a fait descendre sa chaise du Bureau ovale et s'y est assis en pyjama", décrit le journal américain. 

Le Président Ronald Reagan écoutant des informations concernant un bombardement de la Libye en 1986.
Le Président Ronald Reagan écoutant des informations concernant un bombardement de la Libye en 1986. © Wikimedia

La "Situation Room" a déjà été par le passé le cadre des vives tensions entre les États-Unis et l'Iran. Le président Jimmy Carter utilisa la salle de crise pour négocier en vain la libération des otages américains par le régime islamique à la fin des années 70. Pendant la guerre du Golfe, le président George H.W. Bush s'y présentait également tous les matins entre 4 et 5 heures du matin, selon Michael K. Bohn, directeur de la "Situation Room" sous Ronald Reagan, qui a également consacré un livre à la salle de crise "Nerve Center : Inside the White House Situation Room" (éd Potomac Books).

Le 11 septembre 2001, la "Situation Room" a bien entendu été utilisée. Après l'attaque du World Trade Center à New York, les membres de l'administration de George W. Bush s'y sont précipités. D'après George Robert Stephanopoulos, ils auraient refusé d'obéir aux ordres d'évacuation, malgré la menace d'un attentat contre la Maison Blanche. Frank Miller, à l'époque directeur principal de la politique de défense, a alors demandé à toutes les personnes présentes d'écrire leurs noms et numéros de sécurité sociale, en leur disant : "Nous voulons savoir quels corps rechercher."

Le président américain George W. Bush (au centre) rencontre ses conseillers à la sécurité nationale dans la salle de crise de la Maison Blanche le 20 septembre 2001.
Le président américain George W. Bush (au centre) rencontre ses conseillers à la sécurité nationale dans la salle de crise de la Maison Blanche le 20 septembre 2001. AFP - ERIC DRAPER

L'assassinat de Ben Laden

L'événement le plus célèbre lié à la "Situation Room" remonte à 2011. La photo du président Barack Obama, très concentré en tenue décontractée, suivant l'opération Neptune Spear, ayant conduit à l'assassinat du chef d'Al-Qaïda Oussama Ben Laden au Pakistan, a fait le tour du monde. Le reste de son équipe, dont il se tient un peu à l'écart, y apparait captivé par les images du raid des commandos Navy Seal. À cette occasion, un document classifié posé devant la secrétaire d'État Hillary Clinton, main sur la bouche, avait aussi été masqué sur ce cliché historique. "On ressentait toujours le poids de l'histoire dans cette pièce", avait raconté au Washington Post, le photographe Pete Souza qui avait immortalisé ce moment.

Sur cette photo diffusée par la Maison Blanche, le président Barack Obama et le vice-président Joe Biden, ainsi que des membres de l'équipe de sécurité nationale, reçoivent une mise à jour sur la mission contre Oussama ben Laden dans la salle de crise de la Maison Blanche, le 1er mai 2011, à Washington.
Sur cette photo diffusée par la Maison Blanche, le président Barack Obama et le vice-président Joe Biden, ainsi que des membres de l'équipe de sécurité nationale, reçoivent une mise à jour sur la mission contre Oussama ben Laden dans la salle de crise de la Maison Blanche, le 1er mai 2011, à Washington. AP - Pete Souza

Huit ans après, la Maison Blanche a publié une photo du président Donald Trump prise dans un contexte similaire lors de l'opération militaire contre le chef de l'État islamique, Abou Bakr al-Baghdadi. Mais les deux clichés sont radicalement différents. En 2019, contrairement à l'ère Obama, l'ancien homme d'affaires et ses conseillers portaient des costumes-cravates, tandis que les militaires étaient en grande tenue. Sans émotion, l'équipe présidentielle paraissait au contraire stoïque. Par la suite, son successeur Joe Biden y a assisté à la mort d'Abou Ibrahim al-Hachimi al-Qourachi, autre dirigeant de l'EI, lui aussi tué par une opération des forces spéciales américaines en Syrie.

Sur cette photo fournie par la Maison Blanche, le président Donald Trump est entouré du conseiller à la sécurité nationale Robert O'Brien, du vice-président Mike Pence, du secrétaire à la Défense Mark Esper, du président des chefs d'état-major interarmées, le général Mark Milley et du général de brigade Marcus Evans, directeur adjoint des opérations spéciales de l'état-major interarmées, le samedi 26 octobre 2019, dans la salle de situation de la Maison Blanche à Washington, pour superviser le raid des forces d'opérations spéciales américaines qui a éliminé le chef de l'État islamique Abou Bakr al-Baghdadi.
Sur cette photo fournie par la Maison Blanche, le président Donald Trump est entouré du conseiller à la sécurité nationale Robert O'Brien, du vice-président Mike Pence, du secrétaire à la Défense Mark Esper, du président des chefs d'état-major interarmées, le général Mark Milley et du général de brigade Marcus Evans, directeur adjoint des opérations spéciales de l'état-major interarmées, le samedi 26 octobre 2019, dans la salle de situation de la Maison Blanche à Washington, pour superviser le raid des forces d'opérations spéciales américaines qui a éliminé le chef de l'État islamique Abou Bakr al-Baghdadi. AP - Shealah Craighead

À tout moment du jour et de la nuit

Au fil des décennies, l'aspect de la salle de crise a changé. Meublée au départ dans un style danois moderne, la "Situation Room" a été rénovée dix ans plus tard par Richard Nixon. Conseiller à la sécurité nationale à l'époque, Henry Kissinger l'avait alors décrite comme "inconfortable, inesthétique et particulièrement oppressante". À la fin de la présidence de George W. Bush, le lieu qualifié alors de "donjon low-tech" par le New York Times avait aussi bénéficié d'un ravalement, avant d'être totalement modernisé en 2023 avec des équipements dernier cri pour la somme de 50 millions de dollars.

L'atmosphère reste toutefois la même. Attachée de presse de la Maison Blanche sous la première administration Trump, Kayleigh McEnany a dépeint à Fox News l'ambiance particulière qui y règne : "C'est une expérience saissisante. À chaque fois, on laisse son téléphone à la porte. On entre, dans un lieu de 450 m², avec les horloges de tous les pays du monde, des différents fuseaux horaires. Et on est assis là, au moment même où des décisions cruciales sont prises".

Devenu un lieu incontournable de la politique américaine, la "Situation Room" apparait régulièrement dans des films et dans des séries télévisées comme "À la Maison Blanche", "Commander in Chief" ou encore "24 heures chrono". L'une des émissions phares de la chaîne CNN, à l'antenne depuis 20 ans, porte également ce nom. Soixante-quatre ans après sa création, le président Donald Trump l'a une nouvelle fois mise en lumière avec l'opération "Midnight hammer" lancée par les États-Unis en Iran.

Avec Associated Press