Réarmement de la France : où trouver 50 milliards d'euros supplémentaires par an ?

Face à la menace russe et au revirement de Donald Trump vis-à-vis de l'Otan, l'Europe et la France doivent revoir leur stratégie de défense. Mais doubler les dépenses militaires, comme le voudrait Emmanuel Macron pour la France, est une équation compliquée quand on sait que le budget de la défense française, aujourd’hui, dépasse les 50 milliards d'euros, soit un peu plus de 2% du PIB.

Selon le ministre des Armées Sébastien Lecornu, il faudrait arriver à 100 milliards d'euros par an pour s’approcher "d'un poids de forme idéal pour les armées françaises". C'est ce qu'il a déclaré dans La Tribune Dimanche du 8 mars, ajoutant que le seuil de 5% du PIB, souvent cité dans les médias comme un objectif à atteindre, nous "amènerait à 140-150 milliards d'euros de budget annuel", ce qui serait certes confortable mais "pas raisonnable", selon le ministre.

Une réunion prévue le 20 mars pour mobiliser les acteurs privés

Cet hiver, le budget dévolu aux Armées a été un des rares à ne pas être raboté pendant les discussions lors du projet de loi de finances. Mais avec les comptes dans le rouge, le gouvernement n’a pas beaucoup de marges de manœuvre. C’est pour cela qu’Éric Lombard, le ministre de l’Économie, veut faire appel aux acteurs privés, aux investisseurs, compagnies d’assurances et banques. Ceux-là étaient jusqu’alors plutôt frileux à l’idée d’investir dans la défense, à cause des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, très surveillés par la communauté financière.

Une réunion pour les mobiliser est prévue le 20 mars à Bercy. Ce jour-là, le ministre doit aussi présenter un plan pour trouver d'autres pistes, par exemple, via l’épargne des Français. La piste de création d’un livret spécifique défense n’est pas si simple à mettre en place et il faut un taux attractif. L’idée est donc plutôt de flécher une partie des fonds du livret A. Cette manne qui sert aujourd’hui majoritairement à financer le logement social, pourrait être en partie redirigée vers les entreprises de l'armement.

Si les grands groupes comme Dassault, Thales, Nexter n’ont pas de mal à obtenir des financements bancaires, il s’agit d’aider les PME. Ce sont 2000 sous-traitants environ, qui ont parfois du mal à trouver des fonds et des crédits. Si des fonds existent déjà via la BPI, la Banque publique d’investissement, le fonds "défense" ne finance, par exemple, que 300 millions d’euros actuellement. Donc une des pistes est d’augmenter ce fonds, ou bien d’en créer un nouveau.

Pas de hausse d’impôts en vue

Pour le moment, il n'est pas question d'augmenter les impôts, selon le Président. Pourtant on voit mal comment ce débat sera écarté, surtout que le gouvernement assure ne pas vouloir toucher au modèle social, ce qui veut dire ne pas réduire les prestations sociales.

Le conclave "retraite", qui se tient actuellement tous les jeudis avec les partenaires sociaux, promet d'être percuté par le passage à l'économie de guerre. Gilbert Cette, le président du Conseil de l'orientation des retraites (COR) a reconnu lui-même dans la revue Telos que la discussion sur les  retraites - notamment sur le fait de revenir ou non sur l'âge légal de 64 ans - sera de facto "secondaires sinon dérisoires".

En attendant, une chose est sûre : si un effort est demandé aux Français, par exemple en travaillant plus, comme le laisse entendre Éric Lombard, les oppositions vont forcément monter au créneau pour que les plus riches participent, notamment via la fiscalité. Et quel que soit le modèle choisi, il y a un risque de creuser encore la dette.