Près de Clisson, un presbytère ancien bientôt détruit pour respecter la loi zéro artificialisation

En octobre dernier, la mairie de Boussay (Loire-Atlantique), près de Clisson, présentait un programme ambitieux de réaménagement de son centre-bourg, pour «repenser l’utilisation de cet espace au bénéfice de la collectivité». Annoncé dès 2022, le projet de refonte urbaine doit en particulier donner naissance à un nouveau groupe scolaire censé remplacer le bâtiment vieillissant et de plus en plus étriqué, fréquenté par les enfants de cette commune de 2800 habitants. Or la municipalité a estimé que ce nouvel écrin pouvait jouer des coudes avec le reste du centre historique de Boussay. En l’occurrence, le chantier devrait se faire aux dépens du vieux presbytère du bourg. Un bâtiment du XIXe siècle dont la destruction à venir, programmée pour ce mois de février, alarme les défenseurs du patrimoine.

«Il est complètement incohérent de procéder à la démolition de ce bâtiment, d’en faire table rase sans même en avoir réalisé une étude structurelle complète. Il conviendrait de travailler avec cet ensemble, plutôt que le raser pour reconstruire par-dessus», déplore Vincent Guiné, délégué en Loire-Atlantique de l’association Sites et Monuments, qui dénonce la précipitation de la mairie sur dossier. Son association envisage de déposer un recours de dernière minute contre la destruction de ce presbytère construit entre 1868 et 1870, à la fin du Second Empire.

Une «déconstruction» assumée

Couverte d’un toit en croupe d’ardoise et d’une niche ornée d’une statue de la Vierge, la structure du bâtiment ne se trouverait pas en danger, estime le spécialiste, qui milite en faveur de la préservation du presbytère, avec l’association Maisons paysannes de France et Les Amis de Boussay à travers les âges. Saisi sur ce dossier, le Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) de Loire-Atlantique a également recommandé la préservation du bâti existant. Une solution écartée par la commune, qui se justifie en invoquant notamment la loi Zéro artificialisation nette (ZAN).

Nous allons banaliser nos paysages avec une architecture moderne désincarnée

Vincent Guiné, délégué Loire-Atlantique de l’association Sites et Monuments

Selon la mairie, un diagnostic confié à un cabinet spécialisé, Etyo, pointait en l’occurrence le coût prohibitif des travaux de réhabilitation que nécessiterait la mise aux normes de ce bâtiment du XIXe siècle, avec notamment une mise en accessibilité pour les personnes à mobilité réduite et d’importants travaux d’isolation. Par ailleurs, les espaces du presbytère seraient trop étroits pour accueillir les 160 élèves attendus dès la rentrée 2026. Situé en face de l’église Sainte-Radegonde et Saint-Sébastien de Boussay, le bâtiment a ainsi été acquis en 2024 par la commune au diocèse de Nantes. La facture de sa «déconstruction» imminente et du chantier de la nouvelle école s’élève à 4,5 millions d’euros - un investissement sans précédent pour Boussay, qui chercherait encore 1,6 million d’euros pour compléter ce budget, d’après nos confrères de L’Hebdo de Sèvre & Maine . La mairie n’a pas répondu aux sollicitations du Figaro.

Face à ce qu’il estime être un «entêtement» de la mairie, Vincent Guiné regrette la défiguration à venir du centre-ville de Boussay, «un beau petit bourg doté d’une unité architecturale et volumétrique» typique du Vignoble nantais. «Nous allons banaliser nos paysages avec une architecture moderne désincarnée», ajoute-t-il. Sollicitée par le spécialiste, la direction régionale des affaires culturelles a indiqué ne pas être en mesure d’intervenir, faute d’inscription - et encore moins de classement - du presbytère et de l’église au titre des monuments historiques. Lauréat du concours lancé pour la construction du futur groupe scolaire de Boussay, le projet du cabinet parisiano-nantais The Architectes prévoit notamment de réutiliser les pierres du presbytère démoli pour parer les façades extérieures des bâtiments à venir et «intégrer harmonieusement le futur équipement avec son contexte urbain».

Au-delà du seul dossier de Boussay, les cas de «démolition du patrimoine ordinaire non protégé» se multiplieraient en Loire-Atlantique. Selon un communiqué de Sites et Monuments diffusé le 7 février, l’association constate que ces ensembles menacés «pâtissent d’études inexistantes ou superficielles», qui offrent à un boulevard à leur destruction. Des démolitions similaires de bâtiments anciens ont eu lieu ces dernières années à Carquefou, à Blain ou encore à Bouvron, où un ensemble du XVe siècle a été rasé en novembre, pour laisser sa place à des logements sociaux et des commerces. Des reconversions moins brutales existent également, à l’instar du presbytère de La Cure, à Nantes, un bâtiment du XVIIe siècle qui doit être transformé en tiers-lieu à l’horizon 2026.