429 victimes, 21 % de récidive, complaisance de la hiérarchie… L’ampleur des violences sexuelles exercées par des gendarmes et policiers révélée par une base de données de Disclose

L’ampleur des violences sexuelles commises par des policiers ou des gendarmes est colossale. 429 victimes et 215 fonctionnaires auteurs de ces agressions sexuelles ou viols entre 2012 et 2025 ont été comptabilisés, ce mardi 17 juin, par les journalistes Sarah Benichou, Sophie Boutboul et Leïla Miñano du média d’investigation Disclose en partenariat avec L’Oeil du 20 heures (France 2). Ce travail titanesque s’appuie sur une trentaine de témoignages de victimes. Des avocats et des policiers ont été interrogés, plus de quarante procédures judiciaires ont été consultées et une décennie d’archives de presse ont également été explorées.

Résultat, les victimes sont en majorité des femmes (76 %), mais figurent également des hommes (6 %) et des mineurs (18 %). De plus, les femmes policières et gendarmes représentent près de la moitié des victimes. Le constat global est d’autant plus préoccupant que les auteurs ont utilisé les moyens attribués par leur fonction pour commettre les violences, comme le fait de jouer de son statut pour imposer le silence, ou bien encore l’utilisation de fichiers internes pour retrouver la trace de leurs proies.

Des sanctions rares et dérisoires

Les personnes visées par ces policiers et gendarmes sont particulièrement vulnérables. Il s’agit de « femmes venues déposer plainte pour violences conjugales, des personnes exilées et handicapées cherchant protection ou encore des travailleur·euses du sexe ou des adolescent·es interpellé·es », note l’enquête.

Et lorsque les victimes sont des hommes ou des adolescents racisés, ces violences prennent presque toujours une dimension raciste. Les violences faites dans un contexte de manifestation sont alors « un moyen de répression ». D’autant que les victimes sont ciblées aux moments où celles-ci n’ont pas ou peu moyen de se défendre : en garde à vue, au dépôt d’un tribunal, lors d’un contrôle routier ou d’une interpellation.

Ainsi, des policiers et gendarmes ont été les auteurs de violences sexuelles sur dix victimes ou plus à Angers (Maine-et-Loire), Valenciennes (Nord), Louveciennes (Yvelines) et Paris. À l’école de police de Toulouse, un policier-formateur a agressé et harcelé sexuellement 24 femmes, stagiaires pour la plupart, en une seule année.

Malgré l’étendue du problème, aucune circulaire ou note interne n’ont été consacrées au sujet. Les administrations publiques sont tenues de prévoir un dispositif de signalement et de suivi des violences sexuelles depuis 2020, rappellent les journalistes. Par ailleurs, malgré des plaintes et des signalements, aucun texte n’interdit explicitement d’avoir des relations sexuelles avec une personne qui s’est constituée plaignante, placée en détention ou bien en garde à vue.

Qu’en dit le ministère de l’Intérieur ? « Une enquête est ouverte dès que l’administration a connaissance d’une plainte pour des faits de violences sexuelles » a indiqué l’autorité, qui a admis que les radiations étaient exceptionnelles. Mais l’article rapporte que « dans les rares cas où la hiérarchie se décide à agir, les sanctions sont dérisoires ».

21 % des fonctionnaires signalés à leur hiérarchie ou condamnés pour des faits à caractère sexuel ont récidivé

Ainsi, Thierry B., un commandant condamné en 2023 pour harcèlement sexuel sur une femme venue porter plainte pour violences conjugales, a écopé d’une exclusion de douze mois, dont dix avec sursis. Or, les sanctions sont validées par le plus haut sommet de la hiérarchie. Celle-ci l’aurait donc été par l’ancien ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. Pour autant, le fonctionnaire en question a ensuite été muté au commissariat de Montreuil (Seine-Saint-Denis), où il exerce toujours. Une situation honteuse, lorsqu’on sait que 21 % des fonctionnaires signalés à leur hiérarchie ou condamnés pour des faits à caractère sexuel ont récidivé, selon l’enquête.

La banalisation de ces violences avait déjà été remise en question par la Défenseure des droits en 2021. L’autorité administrative indépendante critique « l’absence de réaction appropriée de la part de la hiérarchie » pour « sanctionner des propos et comportements à connotation sexiste ou sexuelle » dans une note adressée aux ministères de l’intérieur et des armées.

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