«Plus que jamais, le monde a besoin d'un Interpol fort», estime le patron sortant de l’organisation de coopération policière

«La criminalité devient plus internationale, plus complexe», a déclaré dans un entretien à l’AFP Jürgen Stock. JOE KLAMAR / AFP
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Face à une criminalité toujours «plus internationale, plus complexe, plus dangereuse», l'organisation de coopération policière Interpol est «plus importante que jamais», estime son secrétaire général Jürgen Stock, sur le départ après une décennie à la tête de l'organisme. 

Jürgen Stock va laisser sa place au cours de l'assemblée générale annuelle de l'organisation intergouvernementale qui se tient du 4 au 7 novembre à Glasgow, après deux mandats, une limite qu'il a lui-même défendue. Le Brésilien Valdecy Urquiza, candidat désigné par le comité exécutif d'Interpol, doit lui succéder à cette occasion.

«La criminalité devient plus internationale, plus complexe. Et je dois dire qu'elle devient aussi plus dangereuse à cause de cette dimension internationale et le professionnalisme avec lequel les groupes criminels organisent leurs activités par-delà les frontières», constate Jürgen Stock, lors d'un entretien accordé à l'AFP au siège d'Interpol à Lyon.

«Inquiétude particulière» 

«Je pars donc avec une inquiétude particulière», confie l'Allemand en poste depuis 2014, celle de voir «la communauté mondiale des forces de l'ordre perdre la course contre le crime organisé». Mais aucune fatalité : la nécessité de s'adapter rend au contraire le travail d'Interpol d'autant plus pertinent, dans un monde où le partage d'information est devenu vital dans la lutte contre un crime «sans frontière» par nature.

«Plus que jamais, je crois que le monde a vraiment besoin d'un Interpol fort», martèle-t-il. «Je suis optimiste car je vois les succès de la coopération internationale policière», souligne-t-il encore, saluant le travail de construction de la base de données d'Interpol et de ses systèmes d'alerte.

«La principale ressource pour le travail d'enquête, c'est quelque chose qui n'a pas changé depuis que j'étais jeune officier de police dans les années 80 et 90 : c'est l'information. Mais au début des années 80, c'était peut-être principalement l'information locale qui conduisait à l'arrestation et à la saisie. Aujourd'hui, ce sont des informations qui se trouvent généralement en dehors de votre propre juridiction», explique Jürgen Stock.

Face au crime organisé, crimes financiers, au terrorisme international et à l'explosion de la cybercriminalité, Interpol, qui a célébré un siècle d'existence l'an passé, est «une plateforme centralisée pour le partage d'information et l'analyse», vante-t-il.

«Révolution» de l'IA

Le recours à l'intelligence artificielle est une autre «révolution» face à laquelle les pays doivent se préparer en matière de criminalité, et Jürgen Stock prône une «évaluation de la menace à un stade très précoce». Fin décembre 2023, lors d'une communication sur une opération internationale de lutte contre la fraude en ligne, Interpol avait par exemple expliqué avoir émis une notice «mauve», en lien avec la recherche ou le partage d'informations sur des modes opératoires.

La branche britannique de l'opération avait rapporté plusieurs cas où du contenu synthétique généré par l'IA a été utilisé pour tromper, harceler ou extorquer des victimes. Certains cas ont aussi impliqué l'imitation de proches de victimes via une technologie de clonage de la voix.

«Renforcement de l'État de droit» au sein d'Interpol

Le secrétaire général sortant se félicite particulièrement de deux réalisations au cours de ses mandats. Le «renforcement de l'État de droit» au sein d'Interpol, régulièrement accusée d'être instrumentalisée par certains États pour traquer leurs dissidents, et le «renforcement du soutien opérationnel aux États membres» : protection des données, contrôle renforcé des dossiers Interpol, comité d'éthique externe... Tout pour s'assurer que «nos systèmes ne sont pas utilisés dans un autre but que les objectifs ancrés dans notre cadre juridique».

Au changement de secrétaire général s'ajoutent aussi des élections au sein du comité exécutif, qui supervise Interpol. «Tout changement dans le leadership offre une opportunité nouvelle pour l'organisation d'apprendre et innover», s'enthousiasme Jürgen Stock qui, à 65 ans, prévoit de se tourner vers des postes plus académiques.