Comment la FNSEA se bat pour rester le premier syndicat agricole

« Contrairement à certains, notre but n’est pas d’affamer les gens, c’est de les nourrir. On ne va pas bloquer la France. Mais les promesses doivent être tenues. » Après avoir appelé ce mercredi ses adhérents agriculteurs à une mobilisation à partir de lundi prochain pour s’opposer notamment au Mercosur, le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau le promet : même si les mois se suivent sur le front du malaise agricole, ils ne se ressembleront pas sur le front des manifestations. Du moins dans un premier temps. 

Soucieux de ne pas se mettre à dos les Français alors que le gouvernement a multiplié les concessions aux agriculteurs depuis la rentrée, le patron du syndicat s’engage à organiser des actions graduelles, et appelle au calme. « On sera dans tous les départements à partir de lundi pour quelques jours, pour faire entendre, au moment du G20 au Brésil, la voix de la France (…). Ce que l’on veut, c’est interpeller les pouvoirs publics, a détaillé Arnaud Rousseau qui pilote le syndicat depuis le printemps 2023. On ne souhaite pas d’atteinte aux biens et aux personnes ». 

Culture du résultat

L’enjeu de ces mobilisations est double pour la première organisation syndicale, qui cumule avec son antichambre des Jeunes Agriculteurs (JA) plus de 55 % des voix dans les campagnes. Elle doit s’assurer que toutes les promesses faites au printemps par le précédent gouvernement sont ou seront tenues, sur des sujets aussi divers que la simplification administrative, la lutte contre la concurrence déloyale ou les revenus agricoles. Car le syndicat historique tient à sa culture du résultat. « Sur les 122 demandes que nous avions envoyées, le gouvernement nous a promis beaucoup de choses, et nous suivons point par point tout ce qu’il reste à mettre en application », confie Jérôme Volle, l’un des vice-présidents de la FNSEA. 

Le syndicat majoritaire doit aussi rassurer sur sa capacité à tenir ses troupes. L’an passé, la FNSEA avait d’abord été surprise de l’embrassement dans les campagnes, qui avait débuté par des actions spontanées d’agriculteurs. Puis, son état-major avait finalement réussi à reprendre la main et à obtenir des avancées du gouvernement. 

Cette année encore, la priorité sera de canaliser les excès, notamment en Occitanie et dans le Sud en général, où la mobilisation a repris. Deux déplacements de la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, dans la région fin octobre et début novembre, « n’ont rien changé », confesse Jean-Marie Dirat, président de la branche régionale de la FNSEA en Occitanie. Face à la colère qui continue de gronder dans les campagnes méridionales, le responsable syndical a peur « de ne pas réussir à ramener tout le monde à la maison » après les manifestations du 18 novembre. La détermination des éléments les plus remontés pourrait finir par quelques heures de garde-à-vue….

Élections professionnelles en janvier

Au sommet de la FNSEA et des JA fin octobre, on assurait que le calendrier des prochaines élections professionnelles ne jouait pas dans ce retour des mobilisations qui portent sur le Mercosur, et la concrétisation des promesses gouvernementales. Il n’empêche, l’enjeu n’est pas mince. Tous les exploitants voteront fin janvier pour choisir leurs représentants dans les chambres d’agriculture, avec des financements importants à la clé. Les challengers de la FNSEA – la Coordination rurale (réputée proche du RN) et de la Confédération paysanne (marquée à gauche) - s’activent depuis quelques années pour faire entendre leur voix. Notamment en adoptant un positionnement plus radical pour se démarquer « d’une FNSEA encore et toujours dans une logique de cogestion inacceptable avec l’État », selon Véronique Le Floc’h, la présidente de la Coordination rurale. Aux dernières élections de chambre de 2019, les deux syndicats minoritaires revendiquaient chacun autour de 20 % des voix. 

À la FNSEA, Jean-Marie Dirat concède que les prochains mouvements revêtent un enjeu d’image . « On a demandé aux gens de rentrer chez eux en février dernier en expliquant qu’on avait obtenu tout ce qu’on voulait. On a fait notre travail, mais l’État a décrédibilisé notre parole en mettant trop de temps à concrétiser les annonces. »

Consolider les bases géographiques

Jérôme Volle, qui est par ailleurs viticulteur de l’Ardèche, sait que les élections professionnelles se joueront à peu de chose dans ces départements du sud du pays. « La Confédération paysanne nous talonne, on est en train de travailler sur un projet. On sait ce qu’on a fait d’un point de vue syndical, mais on sait aussi ce qui nous échappe : on ne peut rien pour la déconsommation qui plonge le secteur du vin dans la crise », observe-t-il.

La Confédération paysanne, qui a elle aussi annoncé plusieurs mobilisations durant une semaine, assume plus clairement le lien avec les élections. « La situation est pire qu’il y a un an, et structurellement il n’y a pas eu beaucoup d’avancées malgré certaines promesses du gouvernement. En vue des élections, nous avons construit une séquence sur les sujets que nous poussons depuis un an : énergie, commerce international, et revenu », détaille Laurence Marandola, porte-parole du syndicat. Ses actions devraient se concentrer plutôt dans le nord du pays (Bretagne, Normandie, Alsace…). La Coordination rurale a, elle, annoncé sa volonté de sortir les tracteurs et de bloquer des supermarchés dans le Sud-Ouest. Le signe, s’il en fallait, que chacun cherche dans la période électorale à consolider ses bases géographiques pour tenter d’arracher des chambres à la FNSEA.