Une nouvelle présidente pour le Festival de Cannes. Juliette Binoche succède à la réalisatrice américaine Greta Gerwig et guidera le jury de la 78e édition qui se déroulera du 13 au 24 mai. Ainsi, pour la seconde fois dans l’histoire du Festival, deux artistes féminines se transmettront ce prestigieux flambeau - Olivia de Havilland et Sofia Loren s’étaient succédé au milieu des années 1960. « J’attends avec impatience le partage de ces moments de vie avec les membres du jury et le public. En 1985, je montais les marches pour la première fois avec l’enthousiasme et l’incertitude d’une jeune actrice (pour Rendez-vous d’André Téchiné, NDLR). Je n’imaginais pas revenir quarante ans après dans ce rôle honorifique de présidente du jury. J’en pèse le privilège, la responsabilité et la nécessité absolue d’humilité », explique la comédienne de 60 ans dans le communiqué du festival. Rompue à l’exercice, l’actrice a déjà présidé la Berlinale en 2019.
Juliette Binoche a une longue histoire avec la Croisette, où neuf de ses films ont été présentés en sélection officielle. « Je suis née au Festival de Cannes », répète-t-elle souvent. En 2010, Copie conforme d’Abbas Kiarostami, lui offre le prix d’interprétation à Cannes. Dirigée par le réalisateur iranien au cœur de la campagne toscane, face à un chanteur d’opéra britannique, elle portait cette histoire universelle mêlant l’amour et l’art et pour mieux cerner leur vérité. Elle était aussi présente en haut des marches pour La Passion de Dodin Bouffant, de Trần Anh Hùng en 2023. En 2024, elle remettait, les yeux embués, une palme d’or d’honneur à Meryl Streep.
Avec ce choix, le délégué général de Cannes, Thierry Frémaux, honore une comédienne reconnue aussi bien dans l’Hexagone qu’à l’international. Celle qui a remporté l’Oscar du meilleur second rôle en 1998 pour Le Patient anglais a tourné avec des cinéastes prestigieux : Michael Haneke, David Cronenberg ou Abel Ferrara, Olivier Assayas, Leos Carax ou Claire Denis, Amos Gitaï, Naomi Kawase ou Hirokazu Kore-eda, Krzysztof Kieslowski, Hou Hsiao-hsien… Embrassant la lame de fond des séries, elle est aussi apparue dans The Staircase de HBO et The New Look d’Apple TV+, où elle incarnait une ambiguë Gabrielle Chanel dans le Paris de l’Occupation. Clin d’œil du destin, elle avait participé à un épisode de la série Dix pour cent dans lequel elle campait la maîtresse de cérémonie du Festival de Cannes, aux prises avec sa robe.
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« Les échos du monde résonnent à travers la voix de cette citoyenne engagée. L’éducation, les sans-papiers, les droits humains en Iran – on se souvient de sa protestation à Cannes contre l’emprisonnement de Jafar Panahi dont elle avait brandi le nom sur scène », souligne le communiqué. La toute nouvelle présidente de l’Académie européenne du cinéma « se place également dans le sillage essentiel des prises de parole autour du mouvement #MeToo. Elle joue également de son influence pour alerter régulièrement les consciences sur les dangers écologiques qui menacent notre planète ».
Celle qui a refusé plusieurs fois de tourner avec Steven Spielberg a donc dit oui à Thierry Frémaux. « À l’époque, je lui ai dit au téléphone : “Je veux bien jouer un dinosaure.” Mais j’avais déjà dit oui à Kieslowski pour Bleu, donc j’ai dû refuser sa proposition. Plus on avance en âge, plus on apprend sur soi, plus on devient soi. Je pense même que l’innocence se gagne. On vient avec une bardée de désirs et d’envies. Ensuite on choisit où vivre ses désirs », racontait-elle au Figaro.