Mort d’Ozzy Osbourne, prince des ténèbres et père fondateur du heavy metal

Blanc comme un linceul, les yeux cerclés de noir, entièrement vêtu de noir, trônant immobile sur un siège gothique d’outrenoir, sur un fond évidemment noir. Ainsi apparaissait Ozzy Osbourne, « prince des ténèbres », le 5 juillet dernier à Birmingham (Royaume-Uni), ville où tout a commencé, dix-sept jours avant qu’il succombe, à 76 ans, à la maladie de Parkinson qui lui collait aux basques.

Devant une foule de 40 000 spectateurs, tous âges confondus, larmichettes à l’œil, le chanteur à la voix criarde et perchée s’était entouré de la formation originelle de son groupe mythique Black Sabbath, Tony Iommi (guitare), Geezer Butler (basse) et Bill Ward (batterie) incontestables fondateurs d’un genre qui, dans ses multiples déclinaisons, niches et sous-niches, allait conquérir le monde : le heavy metal.

Pour l’occasion, Tom Morello, le « guitar hero » rouge de Rage Against The Machine, avait réuni les plus fidèles de ses amis et les plus prometteurs de ses enfants : Metallica, Guns N’ Roses, Pantera, Slayer, les Français de Gojira, Steven Tyler d’Aerosmith, Ron Wood des Rolling Stones ou Billy Corgan des Smashing Pumpkins.

Tous ont répondu présent pour ce qui était annoncé comme « le plus grand concert de heavy metal de l’histoire » et honorer son illustre parrain. Car de ce genre, qui doit autant à la musique qu’à l’allure, Ozzy Osbourne était devenu l’incarnation parfaite au terme d’une vie que l’on qualifiera sans mal de déglinguée.

L’exploration occulte des ténèbres

C’est une histoire de l’Angleterre prolétaire de l’après-guerre que raconte l’enfance de John Michael Osbourne, né en 1948 dans un village de la banlieue de Birmingham, deuxième rejeton d’une famille pauvre qui en comptera six. Dès l’âge de 15 ans, l’adolescent lâche les études pour le turbin et s’essaiera sans succès au métier de plombier, avant de multiplier les larcins jusqu’à finir quelques semaines derrière les barreaux. Il n’a que 17 ans et, comme pour une ribambelle de jeunes du baby-boom, « Ozzy » préfère vivre sa passion pour la musique, celle des Beatles au premier rang, que d’épouser la perspective morose de l’usine.

C’est en sortant de la projection d’un film d’horreur italien qu’avec ses amis musiciens ils se choisissent pour nom Black Sabbath. Tout un programme. De 1970 à 1975, le groupe va enregistrer un remarquable chapelet d’albums (Black Sabbath, Paranoid, Master of Reality, Vol. 4, Sabbath Bloody Sabbath et Sabotage) qui vont chacun dessiner les contours esthétiques de la grande famille du métal, genre alors balbutiant.

À l’origine, les riffs de blues sur un tempo ralenti, laissant place aux roulements de batterie et aux saturations de guitare électrique. Puis une voix hurlante et querelleuse qui surplombe le tout. Il y eut bien Led Zeppelin ou Deep Purple pour emprunter une voie similaire, mais sans pousser aussi loin l’exploration occulte des ténèbres et jouer de manière aussi provocante avec les codes sociaux de l’Angleterre puritaine.

Coups de canines

Mais si Ozzy Osbourne convoquait si souvent le diable, c’était pour mieux le tirer par la queue. Car Black Sabbath et son iconique chanteur, c’est aussi une histoire d’addiction, de drogues et d’alcool ingurgités dans des proportions pantagruéliques. Quand les membres du groupe se séparent momentanément en 1978, Osbourne enfourche une carrière solo qui lui sera éminemment profitable.

Auréolé du statut de précurseur, il devient l’icône d’une scène métal en pleine explosion et enchaîne les frasques. En 1982, sur scène dans l’Iowa, il attrape au vol une chauve-souris que lui a jetée un fan et la décapite à coups de canines, avant de filer aux urgences pour se faire vacciner contre la rage. Il récidivera, dit-on, dans les locaux du label Epic, avec une colombe cette fois. Mais rien qui ne l’empêche de faire de la musique, et de la bonne (Blizzard of Ozz en 1980 et Diary of a Madman en 1981, avec le guitariste Randy Rhoads, Tribute en 1987).

Plus récemment, il a dû sa renommée à l’incroyable succès de The Osbournes, émission de téléréalité qui le voyait vivoter avec sa famille en père bougon. Si le métal est devenu un véritable phénomène, jusqu’à fédérer en France chaque année le plus grand public festivalier au Hellfest, il en restera, depuis les ténèbres ou ailleurs, l’indubitable responsable.

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