La France a un nouveau premier ministre : l’ancien premier ministre. Au terme d’une semaine tragi-comique qui a vu la démission de Sébastien Lecornu et de son gouvernement, le président de la République a annoncé sa nomination à Matignon, ce vendredi. En bon « moine soldat », tel qu’il se décrit, ce fidèle parmi les fidèles du chef de l’État a accepté, « par devoir », a-t-il déclaré. Mercredi, celui-ci assurait pourtant avoir « terminé (sa) mission » à l’issue d’un cycle de discussions de 48 heures avec les différentes forces politiques hors RN et LFI. Qu’importe, il rempile. Et les jours qui viennent seront, pour lui, bien délicats à appréhender tant ils seront semés d’embûches.
Le budget présenté en Conseil des ministres lundi
D’abord, Sébastien Lecornu aura la lourde tâche de former son deuxième gouvernement à la hâte. En effet, ce dernier est pressé par le calendrier du projet de loi de finances (PLF) 2026 qui doit être présenté au plus tard ce lundi en conseil des ministres pour atterrir à l’Assemblée nationale deux jours plus tard et ainsi être discuté pour une publication au Journal officiel avant le 31 décembre.
Selon ses déclarations, cette équipe sera un « gouvernement de mission » et il devra donc être « déconnecté des ambitions présidentielles pour 2027 », selon lui responsables de sa précédente chute. On ne devrait donc ne pas y trouver Gérald Darmanin, l’un de ses très proches amis, ministre de la Justice démissionnaire, ni Bruno Retailleau, à l’Intérieur, bien que ce dernier ait pris ses distances de lui-même. Surtout, ce gouvernement « devra incarner le renouvellement et la diversité des compétences », promet Sébastien Lecornu, soucieux de ne pas répéter le « manque d’originalité » de sa précédente équipe, d’après son propre constat, dont un tiers appartenait déjà à celle de François Bayrou, son prédécesseur.
Reste une question en suspens : quelles forces politiques en feront partie ? Côté « socle commun », renommé « plateforme de stabilité », le Modem et Renaissance n’entendent pas laisser leurs places, bien que demandeurs de « clarifications » sur la ligne politique. Chez Horizons, parti d’Edouard Philippe, on envisage un soutien sans participation. Tandis que « Les Républicains » se déchirent autour de cette question. Si Bruno Retailleau plaide pour une sortie du gouvernement, après avoir défendu l’inverse la semaine dernière, ses députés ont voté massivement, ce vendredi soir, en faveur d’une participation (38 pour, 3 contre). Reste qu’Annie Genevard (à l’agriculture), Philippe Tabarot (aux transports) ou Yannick Neuder (à la santé) pourraient malgré tout rester en poste quelle que soit la direction donnée par le président du parti.
Une censure assurée ?
Quoi qu’il en soit, Sébastien Lecornu devrait rapidement se tourner vers l’Assemblée nationale pour y prononcer sa déclaration de politique générale, ce lundi ou mardi. Bien qu’il ne sollicitera certainement pas de vote de confiance des parlementaires, ses jours à Matignon sont malgré tout comptés.
« Nous proposons aux parlementaires de la gauche de l’hémicycle de signer une motion de censure immédiate et une nouvelle motion de destitution du Président de la République », a annoncé le groupe insoumis à l’Assemblée nationale, dès vendredi soir. « Sans rupture ce sera donc la censure : retour aux urnes ! », a fait savoir Fabien Roussel, secrétaire national du PCF. « Si nous ne sommes pas entendus, nous censurerons sans aucune hésitation », a de son côté communiqué Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, déplorant notamment tout refus de suspendre la réforme des retraites. Enfin, Marine Tondelier, secrétaire nationale des Écologistes, a déclaré ne voir pour l’heure « aucun argument pour ne pas censurer ».
Sauf surprise, l’extrême droite devrait également voter en faveur d’une censure de Sébastien Lecornu et de son gouvernement. Le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, a déclaré que son parti « censurera bien sûr immédiatement cet attelage sans aucun avenir », y voyant « une mauvaise plaisanterie, une honte démocratique et une humiliation pour les Français ».
Dans le cas où l’ensemble du Nouveau Front populaire (NFP) et l’extrême droite dans son ensemble (RN et UDR) votent pour la chute du gouvernement, soit 331 députés, Sébastien Lecornu serait à nouveau contraint de laisser sa place. Et le président de la République, plus exposé et seul que jamais, bunkérisé, n’aura d’autres choix que d’envisager deux autres options : dissoudre l’Assemblée ou démissionner.
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