En Ukraine, la fatigue et la peur des soldats pris dans la guerre des drones. Le ciel est désormais infesté de ces machines volantes, si bien qu'il est plus dangereux que jamais de ravitailler les lignes de front. Pour cela, l'armée ukrainienne compte désormais sur des robots terrestres pilotés à distance mais qu'il faut tout de même avancer à quelques kilomètres des combats les plus intenses. Franceinfo a suivi une rotation entre des soldats chargés de livrer ces robots, dans la région de Pokrovsk.
Dans la camionnette qui fonce sur les nids-de-poule, Yuri, alias Flak, reçoit un message vocal du camarade qu'il doit relever : "Ecoute Flak, ici il y a des tirs, on essaie d'abattre les drones… On sort et on vous attend sous les arbres. Franchement, je suis de plus en plus inquiet… C'est difficile d'abattre un drone. S'il y en a un au-dessus de toi, il y a 90% de risques qu'il te tape." Il a déjà eu de la chance : s'il ne s'était pas coupé le doigt, il serait parti ce matin avec des collègues qui ont été touchés par un mini-hélicoptère kamikaze.
"Je pense toujours à ma maison, à ma famille, à ma femme… Il n'y a que les imbéciles qui n'ont pas peur."
Yuri, soldat ukrainienà franceinfo
Sa mission est de sécuriser les rotations du petit camion télécommandé qui transporte matériel et nourriture sur la ligne de front. "L'objectif principal, c'est d'évacuer les blessés et de ramener les morts chez eux pour que leurs proches puissent les enterrer", explique Yuri.
"Je dois aider mes frères d'armes et ma patrie"
Pendant deux, trois ou quatre jours, il sera seul avec un camarade. Yuri a 40 ans et un fils de 9 ans. Il admet en souriant que son métier de professeur d'EPS était un peu plus tranquille, même si "travailler avec des enfants, c'est compliqué aussi."
A 15 kilomètres du front, Yuri s'arrête dans un campement de fortune, à l'ombre des arbres. "Aujourd'hui, on a évacué huit blessés… Là, par terre, il y a la veste d'un soldat tachée de sang." Le commandant donne les dernières consignes. Les regards sont lourds, à bord du pick-up rempli de munitions, bombes, boîtes de conserve et matériel de camouflage. Yuri part, le soldat Ila revient, décharge enfin ses armes. Avant la guerre, il vendait des téléphones. "Tous les matins au réveil, je me demande ce que je fous là. Mais je dois aider mes frères d'armes et ma patrie." Il dit que c'est dur, mais que l'être humain s'habitue à tout.