REPORTAGE. "Si on n’a pas ces traitements, on meurt" : en Afrique du Sud, des cliniques ferment à cause du gel de l'aide américaine

Les secousses du séisme Trump se font ressentir jusqu'en Afrique du Sud. Dès le 20 janvier dernier, le président américain a ordonné le gel temporaire de l'aide américaine au développement. Il s'agit de plus de 41 milliards d'euros (42,8 milliards de dollars) pour l'année 2025, notamment destinés à financer des programmes humanitaires partout dans le monde.

Donald Trump a donné trois mois à son administration pour réévaluer l'aide accordée par les États-Unis. Et même si le chef de la diplomatie américaine, Marco Rubio, a rapidement rétropédalé en incitant les organisations "qui sauvent des vies" à poursuivre leurs missions, le Monsieur "coupes budgétaires" de l'administration Trump, Elon Musk, promet, lui, la fermeture pure et simple de l'agence américaine pour le développement international, US AID.

Ce gel de l'aide américaine, l'Afrique du Sud en est l'une des victimes. Le pays est le plus touché au monde par le sida, le nombre de personnes séropositives est estimé 8 millions. Des cliniques qui venaient en aide aux personnes les plus exposées au VIH ont fermé du jour au lendemain.

Les portes de l'institut de santé reproductive Wits, dans la banlieue populaire du Cap, sont closes. Sur une affiche à l'entrée de la clinique, on peut lire : "Nous ne sommes plus en mesure de vous accueillir jusqu'à nouvel ordre, s'inquiète Viola Scarias, femme transgenre qui suit un traitement hormonal délivré jusqu'ici par l'établissement. J'ai été rejetée par ma famille et puis la clinique a changé ma vie. On m'a pris l'endroit où je me sentais en sécurité, un endroit où je pouvais parler à des gens qui me comprennent".

"Où est-ce que je vais aller ?"

Viola Scarias, femme transgenre suivie à la clinique Wits

à franceinfo

Les quatre cliniques de l'institut Witz, en Afrique du Sud, accueillaient les personnes transgenres mais aussi les travailleurs du sexe, en leur fournissant notamment des traitements préventifs contre le VIH et des antirétroviraux pour les séropositifs. "Si on n'a pas ces traitements, on meurt", alerte Gita November, la fondatrice de Gender Dynamix, une association qui travaille avec l'institut Witz. Selon elle, l'arrêt de l'aide américaine est avant tout politique : "Ce gel intervient au moment où les attaques contre les personnes transgenres se multiplient mais ça va bien au-delà ! Si on ne peut pas délivrer de traitement contre le VIH, on comptera nos morts par centaines, par milliers."

"C'est au gouvernement de les financer !"

Les États-Unis financent à hauteur de 17% le programme de lutte contre le VIH en Afrique du Sud. L'essentiel des traitements est distribué par le gouvernement dans les hôpitaux publics, mais ils sont souvent fuis par la communauté LGBT. "À l'hôpital public, il y a de la discrimination, explique Viola Scarias. Les gens te regardent et ne voient qu'un garçon habillé comme une fille. Imaginez-moi, en tant que femme transgenre, dans une pièce avec une femme docteure qui n'a aucune idée de ce qu'est un traitement hormonal."

Les cliniques Witz permettaient d'atteindre les populations à la fois les plus exposées au VIH et les plus éloignées du système de santé public. Mais l'Afrique du Sud s'est rendue dépendante des États-Unis, ce qui ne pouvait pas durer, explique Mikael Peterson, conseiller juridique au sein de l'association Gender Dynamix : "Ces cliniques ont rempli un vide laissé par le gouvernement. Ne laissons pas l'aide américaine gérer ces infrastructures. C'est au gouvernement sud-africain de les financer ! C'est au gouvernement de proposer ces services." Pour l'instant, les négociations entre l'agence US AID et l'institut sud-africain sont en cours et les patients des cliniques Witz espèrent toujours que leurs portes rouvriront dans les prochains mois.

Donald Trump veut interrompre "tout financement" en Afrique du Sud

Donald Trump est allé plus loin, samedi dernier, en annonçant suspendre toute future aide à l'Afrique du Sud. Selon le président américain, le gouvernement sud-africain organiserait une "violation massive des droits humains" en "confisquant" les terres des agriculteurs blancs et "en faisant peut-être bien pire", sans donner plus de précisions.

Donald Trump fait référence à la réforme agraire, promulguée par le président sud-africain Cyril Ramaphosa fin janvier, qui vise à réparer les expropriations des populations noires au profit des blancs à partir de 1913 en Afrique du Sud. La Constitution prévoit la possibilité d'exproprier les fermiers blancs de terres indûment saisies pendant l'apartheid sans compensation si c'est jugé d'intérêt public. La réforme est vivement attaquée par une partie de la population blanche en Afrique du Sud et la droite suprémaciste blanche l'utilise pour dénoncer des violations, voire des meurtres de fermiers blancs.