La diplomatie américaine en ébullition sur le dossier ukrainien. Plusieurs médias internationaux, dont Axios, Reuters et The Financial Times, ont dévoilé un projet de plan de paix en Ukraine préparé par les Etats-Unis et discuté avec la Russie, avant d'être présenté à Kiev mercredi 19 novembre. Ce plan comprendrait notamment une cession de territoires ukrainiens à la Russie ainsi qu'une réduction de l'armée ukrainienne. Des conditions proches de celles réclamées par la Russie qui s'apparenteraient à une "capitulation" de l'Ukraine, selon plusieurs sources diplomatiques. Alors que l'Union européenne semble avoir été tenue à l'écart du projet, la cheffe de la diplomatie de l'UE rappelle que "pour qu'un plan fonctionne, il faut que les Ukrainiens et les Européens soient impliqués". Voici ce que l'on sait de ce plan encore très flou et sur les négociations en cours.
Un plan préparé par les Etats-Unis avec la Russie
Les Etats-Unis ont présenté un projet de plan de paix à l'Ukraine mercredi, selon l'AFP et plusieurs médias internationaux. Ce plan détaillé en 28 points est inspiré du modèle réalisé pour obtenir un cessez-le-feu dans la bande de Gaza, selon les informations d'Axios, confirmées par NBC. Il aurait été mis au point par les émissaires américains Steve Witkoff et Jared Kushner, ainsi que le chef de la diplomatie américaine, Marco Rubio, puis discuté avec Kirill Dmitriev, émissaire de Vladimir Poutine.
La Maison Blanche et le Kremlin ont refusé de commenter les informations publiées dans la presse. "Mettre fin à une guerre complexe et meurtrière comme celle en Ukraine nécessite un échange approfondi d'idées sérieuses et réalistes", a déclaré le secrétaire d'Etat américain, sur X. Sans mentionner directement ce projet de plan de paix, Marco Rubio a assuré que Washington "continuera à élaborer une liste d'idées potentielles pour mettre fin à cette guerre, en s'appuyant sur les contributions des deux parties au conflit".
Un haut responsable ukrainien a confirmé à Reuters que Kiev avait reçu des "signaux" concernant des propositions américaines discutées avec la Russie. L'Ukraine n'a joué aucun rôle dans la préparation de ces propositions, a précisé cette même source. "L'essentiel pour arrêter le bain de sang et parvenir à une paix durable est que nous travaillions en coordination avec tous nos partenaires et que le leadership américain demeure efficace et fort", a affirmé Volodymyr Zelensky, sans faire mention de ce plan, après une rencontre à Ankara avec le président turc, Recep Tayyip Erdogan. Le détail de ces mesures pourrait être présenté au président ukrainien jeudi par deux envoyés du Pentagone, Daniel Driscoll et Randy George, actuellement à Kiev dans le cadre d'une mission distincte, selon NBC.
Des conditions proches des exigences russes
Les premières informations concernant les conditions du plan de paix américain suggèrent que celles-ci sont très proches des exigences émises par la Russie pour mettre fin à la guerre. Selon le média américain Axios, l'Ukraine devrait accepter la reconnaissance de l'annexion de la Crimée et céder le contrôle total du Donbass (les provinces de Louhansk et Donetsk) à son voisin. L'Ukraine contrôle encore environ 14,5% de ces territoires, selon la dernière analyse de l'Institute for the Study of War. Et ce n'est pas tout : les lignes de contrôles actuelles seraient également figées dans les régions de Kherson et de Zaporijjia, largement ravagées par la guerre.
Selon un responsable américain cité par Axios, la Maison Blanche estime que Kiev est de toute façon susceptible de perdre ces territoires si la guerre continue, et "qu'il est donc dans l'intérêt de l'Ukraine de conclure un accord maintenant". Un avis qui est loin de faire l'unanimité. "L'Institute for the Study of War continue d'estimer que céder le reste de l'oblast de Donetsk à la Russie et geler la ligne de front dans le sud de l'Ukraine favoriserait disproportionnellement la Russie", écrit le groupe de recherche américain.
Le plan prévoit aussi une limitation de la taille de l'armée ukrainienne de l'ordre de 50% par rapport aux effectifs militaires actuels et un renoncement à toutes les armes de longue portée, selon un haut responsable ukrainien cité par l'AFP. En contrepartie, l'Ukraine recevrait des garanties de sécurité américaines, sans que celles-ci ne soient précisées pour le moment.
L'Ukraine dans une position difficile
Ces révélations interviennent alors que l'Ukraine vient de subir l'une des frappes russes les plus meurtrières de l'année, qui a fait au moins 26 morts et 22 disparus à Ternopil, dans la nuit de mardi à mercredi. Ces attaques ont visé les régions occidentales de l'Ukraine, d'ordinaire plus épargnées en raison de leur éloignement du front, comme la ville de Lviv. "Voilà à quoi ressemblent en réalité les 'plans de paix' de la Russie", a ironisé le chef de la diplomatie ukrainienne, Andrii Sybiha. L'offensive de la Russie accélère également dans l'est du pays, où l'armée ukrainienne a du reculer face aux nouvelles avancées russes.
En plus de ces revers militaires, Volodymyr Zelensky doit faire face à un scandale de corruption massif qui éclabousse notamment son chef de cabinet, Andriy Yermak. De quoi affaiblir un peu plus ses positions et réduire ses marges de manœuvre.
Les Européens réclament d'être intégrés aux discussions
Alors que l'élaboration d'un plan de paix s'ébruite sur la scène internationale, plusieurs responsables politiques européens ont pris la parole afin de réclamer leur intégration et celle de l'Ukraine aux discussions. "Pour qu'un plan fonctionne, il faut que les Ukrainiens et les Européens soient impliqués, c'est très clair", a déclaré jeudi à Bruxelles la cheffe de la diplomatie de l'UE, Kaja Kallas.
"La paix ne peut pas être la capitulation", a affirmé de son côté le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, à son arrivée dans la capitale belge pour une réunion avec ses homologues européens. "Les Ukrainiens refuseront toujours toute forme de capitulation", a-t-il martelé. "Nous voulons une paix durable qui soit entourée des garanties nécessaires pour prévenir toute nouvelle agression par la Russie de Vladimir Poutine", a-t-il rappelé.