Megalopolis, Riverboom, Emmanuelle... Les films à voir cette semaine
Megalopolis - À voir
Science-fiction de Francis Ford Coppola, 2h18
Dans New Rome, cité imaginaire dont la skyline ressemble à Manhattan, s'affrontent César Catilina, architecte idéaliste, et Franklyn Cicero, maire conservateur et démagogue attaché à préserver les privilèges d'une oligarchie. Autour d'eux gravitent une multitude de personnages, dont la fille du maire, Julia Cicero, bientôt amoureuse du bâtisseur charismatique. Catilina, à qui Adam Driver prête sa candeur inquiète, a le pouvoir d'arrêter le temps. Le spectateur sort de Megalopolis comme on descend d'un grand huit. Chancelant, sonné, groggy, fasciné par un flux d'images et de sons, entre fable et farce, grotesque et sublime, kitsch et clinquant, pompe et pop.
Conteur baroque d'un récit impur, marionnettiste ivre de sa puissance fictionnelle, Coppola s'emmêle parfois les fils. La marque d'un jeune réalisateur de 85 ans qui considère le cinématographe comme un vertige et non un vestige. É.S.
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Riverboom - À voir
Documentaire de Claude Baechtold, 1h35
C’est un documentaire singulier comme on en voit peu. Le ton surprend, voire désarçonne. Mais il amuse. Ni tout à fait sérieux, ni tout à fait humoristique, Riverboom est le premier film du réalisateur suisse Claude Baechtold. Voilà le spectateur embarqué dans une voiture brinquebalante sillonnant les routes d'Afghanistan en 2002 sous la menace permanente de snipers talibans. À l'intérieur, planqué sous la banquette arrière, un jeune trentenaire terrifié filme deux types qui discutent de notes de frais pour Le Figaro. Que font ces trois Pieds nickelés à Kaboul où l'armée américaine vient tout juste de débarquer ? Le premier s'appelle Serge Michel. D'origine protestante, ce Suisse grand reporter n'ayant pas froid aux yeux, a pour ambition de faire le tour du territoire pour vérifier que la « Pax americana » s'est bien installée en Afghanistan. Sur un coup de tête, Serge Michel prend contact avec l'un de ses amis photographe de guerre, Paolo Woods, qui lui aussi compte bien en découdre sur le terrain. Le troisième larron s'appelle Claude Baechtold. C'est la pièce rapportée du trio. Comme les deux autres, il est suisse. Mais il n'est pas journaliste. L'aventure commence. Elle ne manquera pas de rebondissements. De la découverte du peuple afghan, ses enfants joyeux, ses vieillards souriants, la culture intensive du pavot, les seigneurs de guerre tout puissants, les villages accueillants, les villes fourmillant de vie et d'énergie, tout cela défile devant et derrière la vitre de leur voiture poussiéreuse. O.D.
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Vivre mourir renaître - On peut voir
Drame de Gaël Morel, 1h49
«Un homme, ça s'empêche», écrivait Albert Camus. Les protagonistes du nouveau film de Gaël Morel n'ont pas dû lire Camus. Dans l'effervescence du Paris interlope du début des années 1990, ils vivent leur jeunesse tous azimuts. Les pulsions sont là. Impérieuses. Sammy (Théo Christine) découvre l'ecstasy, emblème de la culture techno des années 1980, en même temps que sa bisexualité. Ce jeune et beau conducteur de métro s'installe avec la charmante Emma (Lou Lampros). Ils ont un bébé. Le couple emménage dans un immeuble où Cyril, photographe en vogue (Victor Belmondo) possède son atelier de développement. Badaboum! Alors qu'il venait se plaindre du bruit des travaux, l'artiste tombe en arrêt devant le torse d'éphèbe (saupoudré de plâtre) de Sammy. Son fils se cache derrière lui. Le touchant tableau mérite un cliché en noir et blanc. Une idylle se noue. Bientôt, un «trouple» voit le jour. Emma encaisse le coup. Elle est à nouveau enceinte. Mais c'est sans compter les ravages du Sida qui flambe déjà depuis dix ans. Les conduites inconséquentes de Sammy refont surface. Emma n'en revient pas. Le fœtus pourrait être touché. Pour oublier, ils s'évadent à Sorrento près de Naples (on pense au Mépris de Godard). Gaël Morel ( À toute vitesse, Prendre le large) filme sa chronique parisienne des années Sida comme un mélo vintage et documentaire. Un poil lourdingue et immodeste... Il en profite pour régler ses comptes avec la séquence culte du Mauvais sang de Carax, où Denis Lavant courait sur la musique de Modern love de Bowie. Victor Belmondo se donne des faux airs de son grand-père, à l'époque où il allumait ses cigarettes dans À bout de souffle. Lou Lampros crève l'écran et réussit même à faire passer ses dialogues à l'amidon, enrobés d’un discours psychosociologique si loin du réel. Le soufflé romanesque retombe lors de la troisième partie. L'ennui s'invite. Les personnages s'éloignent les uns des autres. Les liens se distendent tandis que le glossaire des années Sida égrène ses acronymes, VIH, AZT, PREP, Séropositivité, trithérapie... L'hôpital et ses fantômes blancs envahissent l'écran. Vivre mourir renaître rejoint les rangs de 120 battements par minute. On aura définitivement compris que les hommes ne s'empêchent pas. Les cinéastes comme Gaël Morel non plus. O.D.
Motherland - On peut voir
Horreur d'Alexandre Aja, 1h42
Depuis Crawl (2019), astucieux film d'horreur où une jeune femme affrontait des alligators dans une maison sombrant sous les flots en plein ouragan, on attendait de pied ferme le prochain film d'Alexandre Aja, le frenchy qui a réussi à terrifier Hollywood. Le voilà de retour avec Motherland. Cette fois, le fils d'Alexandre Arcady embarque avec lui la star oscarisée Halle Berry. Elle va déguster. Comme toujours chez Aja, l'intrigue se recentre sur un concept simple et efficace. Une mère psychotique et possessive élève de très près deux jeunes enfants dans une maison de bois perdue dans la forêt. La maison d'Hansel et Gretel fait parfaitement l'affaire. Le conte fantastique s'invite dans la ronde horrifique. Cette vie en autarcie possède ses propres règles. Quand il faut sortir chasser pour recharger les vivres, on s'attache à des cordes. Le périmètre est court car le «Mal» pourrait bien surgir et s'abattre sur ce noyau familial réduit à l'essentiel. Les deux frères sont conditionnés par leur maman. L'un est plus malin que l'autre. Bien sûr, comme l'eau qui ruisselle, les ténèbres et le doute vont chercher à s'infiltrer par les moindres interstices. Qui va le premier détacher sa corde pour traverser le miroir? Les rebondissements s'enchaînent sans faiblir. Comme le suspense, l'horreur est palpable, tangible. Halle Berry s'est enlaidie à desseins. Cette série B carrée et radicale tient en haleine jusqu'au bout. Ne lui manque qu'un petit supplément d'âme pour l'extraire définitivement de l'écrin du cinéma de genre. Dommage. O.D.
Emmanuelle - À éviter
Drame d'Audrey Diwan, 1h47
Visiblement, Audrey Diwan pratique les sports extrêmes. Adapter Emmanuelle Arsan après s'être attaquée à Annie Ernaux (L'Événement), cela relève du grand écart. Donc, il s'agit de troquer un prix Nobel contre un roman de gare. Un peu de couleur, de dépaysement. Il y a un problème : Just Jaeckin, cet horrible macho, est déjà passé par là. Voilà l’héroïne (Noémie Merlant) débarquant dans un hôtel de luxe dont elle doit contrôler la qualité des prestations. La direction du groupe l'a envoyée pour ça. La tâche l'ennuie. Elle s'y attelle mollement. Un client du palace l'intrigue. Cet ingénieur ne dort jamais dans sa chambre. La patronne de l'établissement se ronge les ongles à l'idée d'être jugée. Pendant ce temps, Noémie Merlant s'offre une partie de jambes en l'air avec un couple, car on est moderne, n'est-ce pas. La Française prolonge son séjour. Ses moments de loisirs la poussent à visiter les bas-fonds, à s'introduire dans des tripots enfumés. Le plaisir est pour elle une terre étrangère. Noémie Merlant déploie de louables efforts pour ne pas ressembler à une agrégée de lettres qui aurait gagné un voyage aux antipodes sur internet. La mise en scène est brillante, léchée, d'une froideur volontaire. Cela brille, mais reste froid. Les dialogues sont ampoulés, ce qui ne signifie pas lumineux. On disserte sur la tristesse. Une escort lit Les Hauts de Hurlevent. Évidemment, le but était de transformer Emmanuelle en icône féministe. Drôle d'idée. É.N.
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