Édito. François Bayrou, à son tour, face à la menace de la censure

L’échec du conclave sur les retraites peut-il sceller le sort politique de François Bayrou ? C’est l’issue que le Premier ministre espère éviter. Il s’accroche à l’espoir ténu d’arracher un accord entre des partenaires sociaux, qu’il a reçus mardi 24 juin à Matignon. 

Il veut encore croire possible d’ouvrir un "chemin très difficile pour sortir de l’impasse" dit-il. Mais l’étau se resserre. L’échec du conclave, c’est d’abord celui de la méthode Bayrou : discuter et discuter encore, touiller les arguments des uns et des autres, mélanger le tout pour mitonner un compromis, quitte à laisser mijoter à feu doux les négociations longtemps, très longtemps. François Bayrou se faisait fort de ressusciter la démocratie sociale, le voilà affaibli au cœur de son ADN politique. 

Les socialistes vont déposer une motion de censure, c’était attendu. En contrepartie du conclave, ils avaient renoncé à censurer le gouvernement. Ils accordaient le bénéfice du doute à François Bayrou le temps de voir en quelque sorte. Quatre mois plus tard, ils ont vu et s’estiment trahis. Leur changement de pied fait deux heureux. D’abord Jean-Luc Mélenchon, qui ne se prive pas de leur faire la leçon pour réaffirmer son leadership sur la gauche. L’insoumis se réjouit que le PS "revienne à la raison, c’est-à-dire à l’opposition frontale". Marine Le Pen retrouve un rôle d’arbitre. Marginalisé à l’Assemblée depuis que le PS avait endossé ce rôle, le groupe RN redevient le faiseur de roi, ou plutôt de gouvernement, comme il l’était sous Michel Barnier. 

Les difficultés s'accumulent 


Le RN votera-t-il cette motion ? Normalement non, mais peut-être bien que oui ! "On ne s'interdit rien", dit Jordan Bardella. Ravie de retrouver un rôle décisif, Marine Le Pen va, comme d'habitude, entretenir le suspense jusqu'au bout, même si l’extrême droite fixe déjà rendez-vous à l’automne, lors du budget. Le gouvernement Bayrou est en sursis et le compte à rebours semble enclenché. Au Parlement, le socle commun se délite, la droite LR mène une guérilla au gouvernement qu’elle est supposée soutenir. Dans le même temps, mardi, le Premier ministre a enduré l’échec du conclave sur les retraites, celui de la réforme du mode de scrutin pour Paris-Lyon-Marseille, et le rejet de la proposition de loi programmatique sur l’énergie dénaturée par la droite et l’extrême droite. Comme disait l’indémodable Jacques Chirac : "Les emmerdes, ça vole toujours en escadrille".

Pour François Bayrou, l’heure du crash approche. Il présentera mi-juillet des choix budgétaires douloureux dans la pire des positions, celle d’un condamné d’avance par beaucoup, jusque que dans son camp. Une posture sacrificielle qu’il adopte volontiers. Ces temps-ci, le Premier ministre se réfère volontiers à l’un de ses illustres prédécesseurs, Pierre Mendès-France. L’homme de la paix en Indochine avait tenu 7 mois et 18 jours. François Bayrou en est, mercredi 25 juin, à 6 mois et 12 jours.