Ce soir-là, dans la nuit chaude de Moscou, la statue de Félix Dzerjinski tanguait sur son socle. Nous étions le 21 août 1991, place de la Loubianka, juste en face de l’immeuble gris et redouté de la police politique soviétique. Le putsch lancé contre Gorbatchev par les durs du Parti communiste était en train d’avorter, après trois jours de face-à-face avec le peuple de Moscou regroupé autour de Boris Eltsine, qui avait rassemblé le camp démocratique. Trois à quatre milliers de manifestants avaient entouré la sculpture du fondateur de la Tchéka, symbole honni des crimes du communisme, au cri de «A bas le régime criminel». C’était un moment d’euphorie et de vertige après soixante-dix ans d’un totalitarisme communiste qui avait fait des dizaines de millions de victimes. Au bout de quelques heures, une grue fut acheminée sur place pour démonter le géant de fer.
Sur les murs de l’immeuble du KGB dans les entrailles duquel avaient péri tant de milliers d’innocents torturés, quelques manifestants…